dimanche 4 novembre 2007

Les livres de mes amis

Deux couvertures rouges, deux univers différents, mais deux conteurs, chacun à leur façon. Avant tout, deux livres qui sont plus proches de moi dans la chaîne de transmission que la plupart des livres que je retrouve habituellement en librairie, deux livres dédicacés. L'un m'a été offert par mon amie homonyme à la fin de l'été, l'autre par l'auteur lui-même. Dans le cas de Kaya de Robert Blake, l'auteur m'a contacté il y a quelques semaines par courriel, ayant eu vent de mon site (par cette amie commune sans doute), cherchant à savoir si j'avais lu son livre. Dans l'autre, Le mariage d'Anne d'Orval de Sébastien Fritsch, le livre est arrivé, livraison toute spéciale, dans les valises d'un couple d'amis de l'auteur, vendredi dernier. Autre lien qui les rapproche, ces deux livres font plonger dans des univers que je ne fréquente habituellement pas: le conte philosophique (même si j'admets avoir eu ma passe Paulo Coelho) et le roman historique (enfin, pas vraiment, vous allez comprendre pourquoi dans quelques lignes).
Kaya est le deuxième conte de Blake, qui avait signé un charmant Voyage il y a quelques années. Mon amie me l'avait prêté et je l'avais dévoré en une soirée, comme ce fut le cas avec Kaya. Dans Le Voyage, les redites m'avaient un peu lassées, je l'admets ici. Chaque chapître, chaque nouvelle petite histoire, étaient introduits de la même manière, en escalade si l'on veut, une technique qui fonctionne particulièrement bien quand on raconte une histoire de vive voix mais qui me semblaient moins convaincante à l'écrit. Dans Kaya, plusieurs de ces redites, de ces clins d'oeil de l'auteur/conteur, ont été gommés et, de ce fait, la lecture en est devenue beaucoup plus aisée. M. Jacquot (personnage du premier livre) passe du rôle de passeur à celui d'acteur, suite au défi de Mister Charles, qui lui parle de l'île imaginaire de Coll, cette île qui vient à nous. Il y rencontre un attachant lutin, Larin, qui n'a pas la langue dans sa poche et plus d'une histoire millénaire dans sa besace: celle du Semeur d'étoiles, du Roi Aramos, des frères jumeaux devenus ennemis Atimore et Ackmore. En deuxième partie de livre, M. Jacquot doit compléter l'histoire de Kaya, qui dormait dans ses cartons depuis trop longtemps. Le style de l'auteur devient alors beaucoup plus fluide (les dialogues de commentaires disparaissent presque entièrement) et j'ai alors plongé, comme une enfant, dans l'univers magique. La langue coulait, les images affluaient, je me retrouvais, assise en indien, à écouter une jolie histoire au coin du feu (et, hum, si on se fie à la photo du quatrième de couverture, j'aimerais bien me faire raconter une histoire par ce charmant monsieur... fermons vite la parenthèse!). Marchant le dos bien droit, la main gauche sur la tête de mon épée, je vis la plus belle des clairières au milieu d'une île, le ciel et les étoiles dans la peau d'une femme. J'eus peine à la regarder tellement mes yeux étaient éblouis par la lumière qui l'enveloppait. Mon coeur battait si fort que les boutons de ma veste eurent envie d'éclater. Si vous avez aimé L'alchimiste, vous apprécierez ce livre...
Reculons maintenant 800 ans en arrière pour aborder l'univers du Mariage d'Anne d'Orval. Je l'avoue d'emblée ici, j'ai voulu lire le livre parce que j'ai appris à connaître, à apprécier l'auteur à travers son blogue. Depuis, il y a eu des messages plus personnels échangés, hors blogosphère et maintenant, j'apprivoise l'humain derrière l'auteur. Alors, évidemment, j'ai plongé dans le livre avec un enthousiasme prudent. En effet, comment réagir si j'avais détesté l'univers du roman? Quand j'ai eu le livre en main vendredi dernier, je me suis sentie comme une gamine. J'étais à peine rendue à la voiture que j'avais décacheté l'enveloppe, avais jeté un coup d'oeil au quatrième de couverture (histoire de mettre un visage sur les mots) avant de lire avec ravissement la dédicace. Quand même, ce n'est pas rien, je suis la première lectrice québécoise de l'auteur! Un privilège, tout de même (le livre sera apparemment distribué ici en 2008, à suivre...). Malgré la dizaine de livres qui attendent sur ma PAL (pile à lire), le soir même, j'y plongeais, avalant trois chapîtres d'un coup, avec un plaisir presque coupable. Moi qui n'ai lu aucun des Jeanne Bourin, ai adoré Les rois maudits à la télé mais n'ai jamais pensé une seconde à lire la somme de livres qui a inspiré la série, n'ai lu qu'un Umberto Eco (même pas Le nom de la rose, que j'ai vu en film, cependant, avec plaisir), j'étais un peu réticente à plonger dans l'univers médiéval et ses histoires de preux chevaliers et de donzelles au teint pâle. Si les premiers chapîtres du livre sont effectivement dédiés à la peinture d'époque, la galerie de personnages, plutôt atypique, m'a immédiatement séduite. Ils échangèrent tout d'abord sur les différences de leurs pays respectifs. Clément fit du sien un tableau des plus simples, mais qui suffit à Anne pour se sentir déjà partie à ses côtés. La voix qu'elle écoutait avait le goût du sel éparpillé aux vents, la tendresse du sable, sa blancheur froide. Elle s'animait ensuite de la puissance des flots. Elle dessinait les gestes maternels que l'onde lance sur les lointains secrets des profondeurs. Elle invitait à embrasser, parmi les rochers noirs, les échos des derniers cris des pêcheurs noyés. J'aurais voulu être Anne d'Orval, celle que tous vénéraient au premier regard, j'en étais presque jalouse. Et puis, tout à coup, l'histoire se bouscule, nous fait basculer dans un tout autre univers. On commence à douter de ce qu'on a lu, on cherche des indices, on entre volontairement dans un immense jeu de piste. Plus important, peut-être: Anne d'Orval devient une femme de chair et de sang et non plus une icône. Les péripéties se multiplient, on tourne les pages de façon quasi compulsive; je me croyais par moments dans une superproduction américaine. Doucement, la violence, le code de vie strict, les saccages typiquement masculins sont balayés par le feu, la passion, les déchirements, les renoncements, des choix habituellement beaucoup plus féminins. J'ai aimé le ton, aussi, presque suranné, comme si je me faisais raconter l'histoire par la vieille femme (la narratrice), dans un château mal chauffé, faisant semblant d'être absorbée par mon ouvrage de broderie (on peut toujours rêver) mais étant toute ouïe, les sens grands ouverts.
Deux fables, deux univers... toujours la même vie qui bat, à travers les siècles.

1 commentaire:

Venise a dit…

Je comprends la nervosité que l'on peut éprouver à lire le livre d'amis ou de connaissances. Si on aime pas, ou peu ... que fait-on ? Chose certaine, l'attitude en est une d'ouverture dans le sens "Si je peux donc aimer ça !". Tout est là, l'attitude de départ et c'est encore plus frappant pour les films. Si tu n'as pas le goût de rire devant une comédie, tu vas la trouver pas mal moins drôle que si tu dis : "Ce soir, faites-moi rire quelqu'un !"

Malgré ta bonne attitude du départ, si tu n'avais vraiment pas aimé, alors là, ça paraîtrait dans ton propos et d'après tes comptes rendus, ces livres semblent t'avoir plu au-delà du vouloir. Quant à moi, j'ai été intriguée par Anne D'Orval dès le départ (j'ai déjà suivi son blogue) puisque ça fait vedette québécoise n'est-ce pas !

C'est bizarre ce qui m'arrive, je suis beaucoup plus attirée par le style du premier et beaucoup plus attirée par l'histoire du deuxième. Pas à prime abord car, comme toi, je pourrais faire la démonstration que ce n'est pas du tout mon genre de roman. C'est plus pour le côté saugrenu du changement de cap et le fait que tu te sois laissée avalée complètement.