vendredi 29 août 2008

Rhapsody in blue

Oui, les Olympiques sont terminés. Plus d'ébahissement quotidien possible face aux aptitudes délirantes de Michael Phelps. Mais j'avouerai tout de même un petit faible pour cette publicité diffusée aux États-Unis pendant l'événement. Une belle inventivité sur un classique...

jeudi 28 août 2008

Art-peur

Je ne suis généralement pas très politisée (ça énerve un tantinet mes beaux-frères d'ailleurs, tous de grandes gueules dans le genre) mais, là, impossible d'essayer de bâillonner mes émotions. En tant qu'artiste, je ne peux que m'inquiéter viscéralement des coupures récentes apportées aux programmes de financement des arts par les ministères du Patrimoine canadien et des Affaires étrangères et Commerce international Canada. Les coupures aux programmes signalées excèderont 44 millions de dollars par année selon les estimés.

Le secteur culturel représente une part importante de l’économie, excédant 46 milliards de dollars et, en 2007, a constitué 7,4 % du produit intérieur brut (PIB). Comme pour tout autre secteur de notre économie, l’investissement dans les arts du gouvernement est critique afin d’assurer la croissance du secteur et que les Canadiens puissent continuer d’avoir accès à des artistes, organisations et expériences artistiques remarquables.

Des artistes mais aussi des hommes d'affaires et des politiciens se sont mobilisés hier à Montréal pour alerter l'opinion publique mais surtout le gouvernement Harper afin qu'il revienne sur sa position particulièrement controversée.

On peut lire ici l'article consacré à la couverture de l'événement.

Nathalie Petrowski en tire aussi son billet du jour ici: « À soir, on débarque Art-Peur »...

Le site de la Coalition canadienne des arts...

mardi 26 août 2008

Des sites à découvrir

Dans des registres complémentaires, voici deux sites coup de cœur récents. Tout d'abord, côté littérature, Auteurs TV propose de donner la parole aux auteurs grâce à des entrevues filmées d'une vingtaine de minutes. Une belle brochette d'auteurs a déjà rencontré le gentil intervieweur (qui préfère garder l'anonymat mais qui fait un joli travail pour aiguiller les auteurs sur des pistes intéressantes). J'ai ainsi pu découvrir les univers de Valérie Tong Cuong, auteur de Providence, lu récemment (et enfin comprendre pourquoi une blonde platine pouvait porter un tel patronyme!), d'Hubert Nyssen (à qui je voue un profond respect, en tant qu'auteur, chroniqueur et éditeur d'Actes Sud, peut-être bien ma maison d'édition française préférée) ainsi que des suggestions lecture d'une sympathique libraire pour la rentrée. À ne pas rater ici...

Côté musique, le pianiste Pierre-Arnaud Dablemont, spécialisé en musique contemporaine, vient d'amorcer la tenue d'un blogue sur son site professionnel. Les sujets traités, même quand pointus, restent très accessibles, le style est agréable et parfois même ludique (son billet sur les bruits entendus en concert est savoureux). À découvrir, même si vous croyez que la musique contemporaine est inaccessible (c'est faux).

lundi 25 août 2008

Rentrée littéraire française

Vous avez été titillés par le cahier rentrée littéraire du Devoir du week-end mais en voudriez encore plus, toujours plus? Evene.fr propose un dossier presque aussi intense que la déferlante qui s'apprête à envahir la France (et dont nous subirons les ressacs au Québec). Pour le lire édito, coups de coeur, premiers romans, romans étrangers, interviews, visionner vidéos, on arrête tout, c'est par ici...

Et dire que, pendant ce temps-là, je suis en train de lire certains livres de la précédente rentrée! Mais la beauté du livre est qu'il soit intemporel.

samedi 23 août 2008

Échantillonage

Il y a quelques jours, j'ai participé à une étude de marché, terme mieux connu sous le nom de focus group dans le jargon des publicitaires. J'avais déjà répondu à deux sondages téléphoniques sur mes habitudes d'écoute de chaînes de radio et, comme j'avais fait mention de deux des trois stations ciblées (CHOM au 97,7, Mix 96 au 95,9 et Q92 au 92,5), on m'avait demandé de me joindre à un groupe. Je souhaitais fortement que le format petit groupe intime et/ou table ronde n'ait pas été privilégié ici. Je me voyais mal expliquer que je n'aimais pas telle chanson pop parce que je trouvais son rythme trop répétitif, que je préférais les chansons avec plus de trois accords et que plusieurs compositeurs avaient déjà fait beaucoup mieux dans le genre. En me rendant, je rigolais un peu, m'imaginant un focus group pour amateurs de musique classique. Cela aurait risqué de tourner en cirque avec citations d'enregistrements spécifiques à la clé et tout un tas de balivernes du même type. (Rassurez-vous, je ne parle pas comme ça!)

Sur les lieux, j'ai été saisie par l'esprit examens de fin de session qui y régnait. Près de 200 personnes étaient entassées, trois par table sur laquelle attendaient, bien aiguisés, des crayons mine. À l'entrée, on me remit un paquet de feuilles, certaines comprenant des questions sur diverses émissions et animateurs. Il fallait par exemple identifier si possible pour quelle station ils travaillaient (j'ai été en général lamentable là-dessus), qualifier leur genre, évaluer les performances des trois stations (je n'écoute jamais Q92, leurs ballades sirupeuses m'indisposant). Ouh là! Et ce n'était pas tout, loin de là. Au cours de la soirée, nous avons écouté 600 (oui, vous avez bien lu!) clips musicaux de 10 à 12 secondes chacun et nous devions évaluer notre réaction selon des catégories (doublées d'émoticones): ne connais pas, n'aime pas (selon les explications de la responsable de la session, cela voulait dire en termes clairs: « Je change de poste quand je l'entends »), bof (« J'attends la prochaine chanson tout à coup qu'elle serait bien meilleure »), j'aime, l'une de mes préférées et je l'aimais mais j'en suis fatiguée (j'ai inclus dans cette catégorie toutes les chansons de Mika et de Rihanna entendues par exemple).

Évidemment, on nous bombardait de styles différents (tous en anglais, bien sûr, considérant les stations visées), allant du dance « achtouf-achtouf » (selon moi, supportable seulement quand on sort en boîte pour s'éclater) au rock (très) lourd (CHOM est, après tout, reconnue pour ce son) sans oublier les hits d'aujourd'hui, les oldies des années 1980 (oui, j'ai coché plusieurs fois « l'une de mes préférées » ici, assumant non seulement mon âge mais surtout l'intime conviction que la pop était diablement plus efficace alors) et, horreur, les ballades extra-sirop (les vocalises de Mariah Carey, j'ai un peu de difficulté, je l'avoue).

Amusant et frustrant à la fois d'entendre tous ces extraits. Quand on aime, on voudrait que ça dure plus longtemps. Quand on déteste (les multiples sous-produits ratés de BonJovi et compagnie, ça devient lassant), on essaie de penser à autre chose pendant les huit secondes qui restent. De temps en temps, je jetais un coup d'œil sur la feuille de mon voisin (qui avait mentionné que Q92 était sa station préférée, gasp!) et j'étais fascinée de constater combien nos réponses différaient (après tout, n'est-ce pas, il n'y aurait sinon qu'une station de radio pour tous). J'avoue que j'ai souri à quelques reprises; bien sûr quand j'ai entendu Sweet Dreams are made of these des Eurythmics ou Tainted Love de Soft Cell (même si on a eu aussi droit à la version, nettement moins réussie, des Pussycat Dolls) ou encore ma chanson fétiche de l'été, Viva la vida de Coldplay (numéro 475 sur 600... je commençais à désespérer) mais aussi quand l'un ou l'autre des participants chantonnait discrètement en écho la suite d'un extrait. C'est fou comme la musique pop diffusée à la radio envahit nos vies, qu'on le veuille ou non!
Viva La Vida - Coldplay

Bien sûr, mon oreille musicale n'a pu que noter combien certaines pièces se ressemblaient étrangement (surtout quand on a seulement droit à quelques secondes d'écoute), que plusieurs possédaient un son franchement plutôt préprogrammé (arrangements semblables, mêmes choix au niveau des riffs de guitare, voix mièvres des chanteuses produites en chaîne). C'était par moments confondant. (Oui, je sais, la plupart des participants n'ont certainement pas relevé tout ça.) Vous comprendrez peut-être que, le lendemain, j'aie choisi de me passer de tout fond sonore...

vendredi 22 août 2008

Réversibilité

Peut-on retrouver une complicité perdue six ans auparavant, y croire suffisamment pour repartir à zéro? C'est ce qu'Émilien, poète parisien, tente de faire. Plaquant tout derrière lui, il s'envole vers Montréal, dans l'espoir de retrouver Julie, pianiste québécoise qu'il a fréquentée jadis, d'abord comme amie puis comme amante avant qu'un malentendu - sa peur de l'engagement - ne mette fin à une relation qui comblait deux esprits troublés. Par un astucieux mécanisme de miroirs, Claude Vaillancourt comble, au gré de 13 chapitres (dont plusieurs sont dédoublés en renversé), le gouffre entre la quête de la perfection musicale de Julie ou ses relations incomplètes ou alambiquées et le jeu de piste dans lequel est plongé Émilien. En débarquant à Montréal, il tente de retrouver Julie dans le bottin téléphonique, tâche des plus ardus considérant le patronyme de Julie: Tremblay. Au fil des jours, il s'approprie la ville, sa nouvelle vie, s'attache à une autre Julie (mais surtout pas trop profondément, Émilien est un spécialiste de la valse-hésitation).

J'ai aimé retrouver Paris tel que présenté par Vaillancourt qui évite les lieux communs (dans les deux sens du terme) et jette un regard presque amoureux sur la ville. Certaines digressions auraient pu être évitées (les apartés sur le Rwanda et sur le livre La fête au bouc de Mario Vargas Llosa, par exemple, échos l'un de l'autre bien sûr) et certaines références un peu pointues à la poésie française surréaliste (rappelons que Vaillancourt est professeur de littérature et a participé à plusieurs ouvrages collectifs sur le sujet) ou certaines généralités sur la perception qu'ont les Français de l'Amérique. Néanmoins, j'ai beaucoup aimé le ton du roman, sa facture et la façon sensible dont l'auteur parle de musique, de l'intérieur.

« Encore aujourd'hui, Émilien envie aux musiciens leur pouvoir immédiat de séduction. Il envie le fait qu'en musique, on confonde le message et le messager, qu'on accorde à l'interprète la même capacité de fasciner, de transmettre un plaisir vif et intense, qui découle d'abord et avant tout de la beauté de la musique. » (p. 102)
ou encore
« Mais en musique, pensait-elle, on ne peut rien cacher, et c'est par la musique qu'elle éprouva la sensation d'une chute, d'un curieux vertige, avec le mal que cela provoque, alors qu'elle avait cru que rien ne devait changer, que Reinhardt, solide comme le roc, simple, franc, rythmait ses amours avec la régularité d'un métronome. »
(p. 189)

mercredi 20 août 2008

Vagues de lecture

De retour depuis 36 heures à peine de la mer, la vraie, celle au sable doux, à l'eau suffisamment chaude pour qu'on puisse s'y baigner (autour de 23 degrés). Du soleil toute la semaine, sauf lors d'une mini-averse (45 minutes), d'une averse de nuit (mais on s'en fiche) et d'un orage suffisamment spectaculaire pour que l'on ait besoin de trouver les chandelles dans la maison louée. Plus de 2100 kilomètres aller-retour au compteur et six livres et demi de terminés! Comme cela fait du bien de se perdre dans les histoires des autres, sous le parasol ou sur la véranda... Comme d'habitude, j'étais partie avec une pile de livres impressionnante, indécise face à l'état d'esprit qui m'animerait là-bas. Certains pourraient trouver que c'est un peu inutile de se promener avec sa mini-bibliothèque ambulante mais les lecteurs compulsifs sauront me comprendre. (Et, pour la petite histoire, ma fille et mon mari ont fait pareil pendant que mon fils était plongé dans le célèbre Millénium.)

Alors, dans l'ordre, j'ai d'abord lu Le lion de Joseph Kessel, une histoire d'initiation bien particulière, de passage de l'enfance à l'adolescence, sise dans les magnifiques paysages d'une réserve au Kenya. Ce livre traînait sur ma PAL depuis un bon moment déjà, en fait, depuis que ma fille en avait terminé la lecture (à l'école) il y a un an. Elle ne semblait pas enthousiasmée par le tout mais semblait croire que je serais interpellée par les descriptions. (Les livres que je lis habituellement sont-ils dénués de dialogues à ce point? Curieuse association.) Kessel possède en effet une maîtrise assez saisissante du portrait d'atmosphères et on ne sent pas ici (même si le livre date de 1958) la condescendance de l'Européen face au « sauvage » africain. À se plonger dans les mots, j'avais presque (j'arrivais à la mer, rappelons-le!) envie de planifier un voyage là-bas.

Autre univers entièrement, Un monde de papier de François Désalliers nous fait basculer dans une histoire rocambolesque d'homme qui tombe dans les pages d'un magazine féminin. Il s'amourache d'une top-modèle, donne à manger à une mannequin anorexique, est poursuivi par le méchant ogre (l'éditeur), se fait secourir par Hugo (Boss), doit faire face à tempêtes monumentales et séismes multiples. C'est léger, totalement frivole, écrit dans un style pas particulièrement recherché mais sympa: le genre de livres aussitôt lu et presque aussitôt oublié. Un ami m'a néanmoins recommandé du même auteur, L'homme-café.

Suffisamment éméchée par ce punch pétillant, j'étais prête à passer à quelque chose de plus consistant, This is not a love song de Jean-Philippe Blondel, que j'avais reluqué à sa sortie en septembre dernier mais que j'attendais de croiser en bibliothèque. Cette histoire en apparence toute simple (Vincent passe une semaine en célibataire dans sa ville natale, dix ans après l'avoir quittée, alors que sa femme anglaise et ses deux filles prennent une semaine de vacances) se complexifie au fur et à mesure de la lecture et m'a complètement happée. Le protagoniste doit faire face à ses démons, tant familiaux (ses liens avec ses parents et son frère sont assez alambiqués) qu'amicaux ou amoureux. Quand on quitte comme ça, sur un coup de tête, et change diamétralement de vie, forcément, on doit s'attendre à des séquelles, certaines plus douloureuses que d'autres. Je ne révélerai pas les punchs mais ils sont bien amenés et portent à la réflexion sur les choix de vie auxquels chacun doit faire face mais aussi aux choix de société que nous devrions assumer collectivement. Un texte âpre mais percutant. Pour lire une entrevue avec l'auteur, c'est ici.

Je ne l'ai pas crié sur les toits mais, quelques jours avant le départ, j'avais fait un saut dans une bouquinerie (c'était trois fois rien, quoi, trois livres seulement). Parmi ces achats, j'avais glissé L'histoire de l'amour de Nicole Krauss, dont on avait beaucoup parlé à sa sortie, dans mes bagages. Oui, le titre fait un peu roman de midinette et le rose de la couverture (j'ai acheté l'édition originale, publiée chez Gallimard, dans un état neuf) fera grincer certains. En le cataloguant ainsi, on n'aurait rien compris du propos du livre. Deux destins parallèles (Leo, vieillard, en apparence d'une discrétion absolue et Alma, ado, orpheline de père) se croisent, se complètent, finiront par se chevaucher. Très habilement, Krauss alterne les narrations de Leo, le journal intime d'Alma, quelques bribes de celui de son petit frère messianique, des extraits du fameux livre L'histoire de l'amour (que la mère d'Alma, elle aussi légèrement décalée, traduit). Au début, on se demande où tout ceci s'en va mais, très rapidement, on s'attache fortement aux personnages, on laisse décanter les réflexions sur l'écriture, on voudrait à la fois se rendre à la fin d'un souffle et retarder le moment de fermer le livre. Un coup de cœur. D'autres commentaires de lecture ici, ici et ici.

Incapable de m'approprier immédiatement d'autres personnages, j'ai ensuite fait un détour poétique, en découvrant José Angel Valente et ses Trois leçons de ténèbres suivi de Mandorle et de L'éclat (publié dans la très belle collection nrf Poésie/Gallimard). Une écriture très particulière, évocatrice, qui oscille entre l'éthéré et le profondément ancré. Certains textes se déclinent en longues strophes, d'autres sont des concentrés d'émotions.
« Nous ne sommes à la surface que pour inspirer profondément et pouvoir regagner le fond. Nostalgie des branchies. » (Il tuffatore) ou encore
« Sur l'horizontale du labyrinthe tu traças l'axe de la hauteur et de la profondeur. Tomber ne fut que monter vers le fond. » (Icare)
À déguster à petites gorgées.

J'ai finalement enchaîné deux livres de Claude Vaillancourt, romancier, essayiste et professeur de littérature au cégep mais aussi musicien de jazz, qui se veulent un pont entre les mondes de la littérature et de la musique. Dans son recueil de nouvelles L'Eunuque à la voix d'or, l'auteur aborde les mondes de la musique classique dans la nouvelle-titre, plus élaborée, de la littérature dans Le don de Judith (l'auteure a une curieuse façon de transformer la fiction en réalité), de l'histoire de l'art dans Sous la feuille de vigne ou Femme au clavecin. Il nous propose aussi le portrait d'un curieux personnage, lecteur professionnel (L'homme de connaissances) et d'un professeur de français dépassée par les coïncidences (La jeune fille et le professeur). L'écriture est précise, concise, les personnages suffisamment typés et atypiques pour qu'on apprécie les découvrir. Dans Réversibilité, Émilien, poète parisien, tente de retrouver la trace de Julie, jeune pianiste montréalaise. Vous comprendrez tout de suite pourquoi le livre m'a interpellée... Je vous en reparle...

dimanche 17 août 2008

Ma vie avec Mozart

« Il n’y a pas une histoire de la musique mais une géographie de la musique. Sur une mappemonde multicolore existent plusieurs continents, le continent Bach, le continent Mozart, le continent Beethoven, le continent Wagner, le continent Debussy, le continent Stravinski… Parfois des océans massifs peints en bleu profond les séparent; parfois, seul un détroit étroit marque la frontière, comme entre Debussy et Stravinski; plus rarement, les territoires se chevauchent en raison d’une continuité géologique, ainsi Mozart et Beethoven partagent-ils un fleuve comme délimitation.

Non loin des masses continentales se détachent certaines îles plus ou moins importantes : l’île Vivaldi ou la péninsule Handel autour de Bach; les archipels Schumann ou les atolls Chopin autour de Beethoven. De temps en temps, à la faveur d’un raz-de-marée, on doit redessiner les cartes car, s’il est rare que des territoires disparaissent, il est courant que de nouveaux émergent.

Si la musique constitue une géographie, cela signifie que nous sommes devenus des voyageurs. Nos pérégrinations musicales n’ont rien d’une visite guidée, linéaire, fastidieuse qui emprunterait le chemin des siècles; elles relèvent plutôt de raids libres, imprévus, imprévisibles, de sauts désordonnés effectués par lestage en parachute. Un jour chez Mozart, l’autre chez Debussy… Cette luxueuse fantaisie – avoir accès à tout –, les techniques modernes nous la permettent.

On ne découvre ni on n’aime les compositions dans l’ordre successif où ils sont apparus. Et si je me sens bien chez toi, Mozart, cela ne signifie pas que j’éprouve la nostalgie de ton temps ni que j’ai une sensibilité de ton époque puisque, une heure plus tard, je séjournerai chez Messiaen en passant par Ravel.

Cela dément de surcroît cette absurde notion d’un progrès en musique, comme si Schoenberg avait quelque chose de plus que Bach… Sur le globe de la musique, il n’y a que des univers… »

Eric-Emmanuel Schmitt, Ma vie avec Mozart. Albin Michel, 2005.

vendredi 15 août 2008

Compter jusqu'à cent

Comment raconter la terreur, la dépossession, la douleur, les tentatives pour se rebâtir? Comment transcender l’horreur pure d’un viol, atténuer la cicatrice laissée sur le cœur? Dans Compter jusqu’à cent, Mélanie Gélinas trouve les mots pour le faire et de façon magistrale. Pour la narratrice – et peut-être bien pour l’auteure, elle aussi violée –, une seule porte de sortie : crier, chuchoter, écrire la douleur. « Dans la solitude d’une chambre où m’attendait patient le Lecteur, à un pas de l’amour, j’ai ouvert un cahier blanc comme l’hiver de mon seul pays, j’ai aiguisé ma langue pour inscrire la plus vive des traces et j’ai écrit. Je suis retournée à l’origine des maux et des peines, j’ai trouvé la veine d’Anaïs et j’ai investi la plus térébrante des lézardes, celle d’une cœur en cent morceaux. » (p. 136) À coup de chapitres courts, incisifs, fragments éclatés, elle parvient à reconstituer l’histoire de cette nuit glaciale qui a changé la vie de la narratrice et de son double, Anaïs.

L’écriture est ciselée, fortement poétique, les mots s’alignant souvent plus comme des strophes d’un long poème en vers libres que comme les phrases d’un chapitre. Rencontres ébauchées difficiles à assumer, amours suscitées trop douloureuses à consommer, rêves d’enfants déçus nous interpellent, nous portent, nous hantent. Les villes (New York, Montréal) ont rarement été aussi pleines de secrets, les mots si pleins de sous-entendus, la langue française si pleine de double-sens. On pourra reprocher, mais du bout des lèvres, quelques glissements de l’auteure qui, en bon professeur de français, cède parfois à la tentation de susciter la figure de style gratuite. Peu importe, une chose est certaine : on ne sortira pas indemne de la lecture du roman. Parfois, un roman soulève des questions (sur l’écriture, la violence, les relations) qui continuent de nous hanter bien après qu’on l’ait refermé et c’est tant mieux.

Pour lire les avis des autres collaborateurs de La Recrue, c'est ici...

jeudi 7 août 2008

Je voudrais voir la mer

Je quitte demain matin vers le soleil... du moins selon le prévisionnel du Weather Channel! Je vous reviens dans une dizaine de jours mais, grâce aux miracles de la technologie, vous pourrez me voir faire des coucous (programmés) ici de temps en temps! Et que mettrai-je dans ma valise? Le strict minimum côté vêtements (des t-shirts, des shorts et des maillots, ça ne prend pas beaucoup de place) et, oui, quelques (hum!) livres... des romans, de la poésie, des nouvelles, un livre sur l'histoire tumultueuse de Chopin et George Sand. Ben quoi! On ne sait jamais l'état d'esprit dans lequel on sera plongé, une fois arrivé en bord de mer... Bien sûr, je vous en reparle au retour...

mercredi 6 août 2008

Autour d'eux


Des hommes et des femmes aux destins comme tant d'autres habitent les pages de ce premier recueil de nouvelles d'Annie Dulong, petites gens que l'on croise au quotidien et auxquels on n'accorde souvent que trop peu de regards. Certains sont déchirés par leur passé (Nuit, La soupe aux quenouilles ou Un danois au printemps et Le saut de la grenouille, splendides échos l'un de l'autre, qui relate la même histoire de deux points de vue différents), d'autres cherchent à saisir l'instant présent (L'effacement, une nouvelle magnifique sur la maladie d'Alzheimer), d'autres à se racheter par leur futur immédiat (Antoine).

Avec un œil admirable, Annie Dulong sait saisir l'instant, celui où tout peut basculer, celui qui se veut le microcosme d'une vie somme toute banale mais qui ne l'est jamais quand on comprend les motivations des personnages. Le trouble profond de Béatrice nous traverse en quelques pages à peine, le désespoir d'une femme qui s'est perdue se mue en souffle dans Le vent. L'histoire du pépin nous fait rire jaune. L'aveugle et les courtisanes fait une excursion aux limites du paranormal. Un verre de thé pour une canicule nous amène dans un lieu inconfortable que nous avons tous fréquenté un jour ou l'autre, par peur de l'engagement. Young Nate, Old Jane nous confronte à la folie douce qui ronge trop d'hommes et de femmes oubliés par notre société.

Annie Dulong nous offre ici autant de clichés, d'instantanés, signés de la même main mais jamais semblables, s'assemblant dans un curieux montage qui nous pousse à ouvrir les yeux, à vouloir prendre le temps de s'approprier ces histoires en apparence si simples mais d'en décortiquer les strates d'intentions, d'émotions, de souvenirs. Une belle réussite!

mardi 5 août 2008

Nutriments artistiques

Lorsque Johannes Brahms décide d'envahir votre salle à manger à l'heure du petit déjeuner pour sensibiliser la jeunesse aux bienfaits de l'art, les résultats peuvent surprendre, comme le démontrent éloquemment ces pubs craquantes de l'organisation Americans for the Arts!



vendredi 1 août 2008

Inspirant

De temps en temps, même les plus fervents d'entre nous ont besoin d'être soutenus, encouragés, convaincus de nouveau. Le chef d'orchestre Benjamin Zander a deux passions dévorantes: la musique classique mais surtout la volonté de convaincre monsieur et madame Toutlemonde que, au fond, même s'ils en ont peur, ils peuvent aimer la musique classique et, par extension, explorer de nouvelles avenues et créer de nouveaux liens.

Chef d'Orchestre du Boston Philharmonic, du Youth Philarmonic, professeur au prestigieux New England Conservatory of Music, il prend le temps, entre deux concerts, d'offrir des conférences de motivation, qu'il dédie aussi bien à des hommes d'affaires, des congressistes qu'aux curieux. Il est également le co-auteur (avec son épouse) de The Art of Possibility, qui se veut un plaidoyer pour l'ouverture d'esprit.

On le retrouve ici dans une conférence prononcée pour Ted TV d'une vingtaine de minutes (que vous pouvez écouter en tranches), des plus inspirantes. À s'approprier sous aucune réserve, que vous croyez ou non aimer la musique classique.