mercredi 30 décembre 2009

Fin d'année

Ouf, enfin de retour dans mes pénates... Après le blitz des rencontres familiales, quelques jours passés en compagnie de mon amie américaine et de sa petite famille, venus passer quelques jours au chaud (pluie et brume) puis au froid (polaire). L'expérience totale, quoi!

Les fins d'années semblent propices aux bilans... Aucune intention de partager un palmarès numéroté, indiquant un ordre de préférence de lectures. Plutôt, de laisser remonter à la surface, les lectures 2009 qui comptent, dont j'ai reparlé de vive voix à des amis, qui définiront d'une certaine façon ces derniers mois.

J'ai commencé l'année de façon très forte avec Seul le silence de R.J. Ellory, un polar particulièrement bien ficelé, superbement ouvragé et qui s'avère tellement plus qu'une intrigue classique. M'attend dans ma PAL, cadeau de la mère Noël, Vendetta, l'autre opus traduit de l'auteur. À suivre...

Dans le registre dépaysement, Yasmina Khadra et Ce que le jour doit à la nuit. Une fresque admirablement construite, une façon de manipuler le langage qui continue de me séduire, un moment de lecture mémorable.

Côté littérature française, je ne peux pas ignorer D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère, un texte fort, porteur de questionnements et d'espoir, parfaitement achevé. J'ai partagé mon exemplaire à quelques reprises déjà et continuerai certainement de le faire circuler.

Côté québécois, grand coup de cœur pour L'énigme du retour de Dany Laferrière (pour une fois, on a l'impression que les prix sont mérités), Un cœur rouge dans la glace de Robert Lalonde (que j'ai offert depuis en cadeau), pour la poésie du texte et l'amour si particulier que porte l'auteur à la littérature, à ses classiques et à la traduction, mais aussi Le travail de l'huître de Jean Barbe, un conte magique pour grands enfants.

En terminant, un grand classique, découvert grâce à un cadeau d'un ami, À l'est d'Eden de Steinbeck, certainement le prototype du grand roman américain. J'ai encore un souvenir très vif de ces heures passées à lire cet imposant opus, dans les métros de Paris, dans l'avion, à Montréal... Un vrai classique.

vendredi 25 décembre 2009

Un joyeux Noël...

En partage, deux versions de l'une de mes chansons de Noël préférées...

Celle d'Ella Fitzgerald d'abord, plus up swing...




Puis celle de Judy Garland, tirée du film Meet me in St. Louis quie, comme par hasard, m'attendait sous le sapin.... (Je suis offert de moi-même à moi-même deux coffrets de comédies musicales des belles années MGM puis on les a emballés à ma place.)



Joyeux Noël à tous!

mardi 22 décembre 2009

Le motif dans le tapis

Cherche-t-on trop à décortiquer le propos d'un auteur, quitte à le dénaturer? La question ne date pas d'hier et Henry James en traite admirablement dans sa longue nouvelle Le motif dans le tapis. Un critique rédige un commentaire de lecture et espère « impressionner » l'auteur quand il le rencontre à un souper. Bien sûr, l'auteur lui rit presque au nez, lui expliquant qu'il n'a rien compris de ce qu'il a souhaité inscrire au cœur même de toutes ses œuvres jusque là. Piqué au vif, le critique (et narrateur) tente de percer le secret, de trouver ce fameux « motif dans le tapis ». (En anglais, le titre original est « The Figure in the Carpet », ce qui peut aussi bien faire référence au motif, à un chiffre qu'à un visage, ce qui est d'autant plus séduisant comme terme fourre-tout.) Il met sur le cas un ami qui connaît intimement l'œuvre de l'auteur. Celui-ci s'y jette avec une fougue telle qu'il finit par décortiquer les rouages et partage ses trouvailles avec l'auteur. Il meurt peu après et amène avec lui son secret dans la tombe. Frustration intense du narrateur, qui ne sait toujours pas - tout comme nous - quel est le fameux motif.

Le livre m'avait été recommandé par une jeune auteure qui avait particulièrement apprécié la façon dont James nous menait en bateau et la réflexion sur le geste d'écriture. Lecture en effet assez troublante, surtout quand on joue des deux côtés de la clôture et qu'on commente et écrit à la fois. Je suis toujours fascinée par ce que les lecteurs ont perçu de mes textes et qui m'avait échappé. En même temps, je souris dans ma barbe quand je sais que seulement un ou deux lecteurs saisiront telle allusion, qui n'est significative que si on connaît l'événement qui l'a motivée. À méditer...

samedi 19 décembre 2009

Un seul mensonge

Ou mes vérités ont toutes l'air de mensonges ou personne n'a osé... Pour ceux qui s'interrogeraient...

1- Yo-Yo Ma m'a déjà embrassée.
Eh oui... Je l'ai interviewé au téléphone et, quelques années plus tard, je lui ai fait signer ma copie du magazine alors que j'étais, comme lui, à l'arrière-scène de la Salle Wilfrid-Pelletier, lors du concert-bénéfice de l'OSM dont il était la vedette (et dont j'étais la voix hors-champ). Un homme fascinant, qui écoute vraiment, et dont les yeux brillaient comme ceux d'un enfant avant de monter sur scène. Inspirant.

2- J'ai eu un Stradivarius dans ma voiture.
Quelques semaines plus tard, j'ai réalisé la folie de l'expédition, mon assurance-responsabilité se limitant bien évidemment à un million de dollars. L'instrument était sur les genoux du violoniste, James Ehnes, entre une entrevue et une séance photo.

3- J'ai joué de la trompette pendant deux ans.
Eh non... du violoncelle par contre.

4- J'ai eu très chaud à un examen de baccalauréat car je ne savais pas ma sonate de Mozart par cœur jusqu'à la fin et attendais désespérément que l'un des juges ait pitié de moi.
Malheureusement, tout à fait vrai. Mon professeur, voyant sans doute la sueur commencer à perler sur mon front, a eu pitié de moi et a arrêté la torture avant que ça ne devienne catastrophique, une page avant la fin.

5- J'ai joué à la Place des Arts.
Oui, je sais, ça parait improbable. Je n'ai pas dit où, remarquez. Tout simplement dans le Piano nobile. Bon, je sais, c'est moins prestigieux, mais, bon...

6- Au primaire, je jouais déjà à interviewer des célébrités avec un de mes voisins.
Tout à fait. Nous faisions particulièrement des fausses entrevues de Claude Dubois, le voisin imitant Claude Dubois et chantant ses chansons à tue-tête entre deux réponses « songées ». Malheureusement ou heureusement, les bandes ont été détruites. Par contre, quand, des années après, j'ai effectivement interviewé Claude Dubois, j'étais assez déstabilisée, comme vous pouvez l'imaginer. Je me suis ressaisie rapidement et lui ai même admis l'histoire avant de raccrocher. Il a trouvé ça charmant.

7- Ivo Pogorelich m'a fait un clin d'œil en signant un autographe et j'ai pensé m'évanouir.
Tout à fait vrai. J'étais bien jeune, c'était lors du Concours international de Montréal et, hasard ou non, quelques semaines après, je décidais que, oui, je serais musicienne. Soupirs...

mercredi 16 décembre 2009

Détecteur de mensonges

C'est aujourd'hui mon anniversaire (ben oui, comme Beethoven, Kodaly et Jane Austen) et, tiens, pourquoi ne pas céder à l'attrait de ce tague virtuel qui court depuis quelques semaines (mois?) sur les blogues. Je dépose donc ici sept confidences (toutes liées à la musique) dont une est un mensonge. Vous pensez savoir laquelle? N'hésitez pas à vous dévoiler! En échange, je ne tague personne (appréciez ma générosité!)

1- Yo-Yo Ma m'a déjà embrassée.

2- J'ai eu un Stradivarius dans ma voiture.

3- J'ai joué de la trompette pendant deux ans.

4- J'ai eu très chaud à un examen de baccalauréat car je ne savais pas ma sonate de Mozart par cœur jusqu'à la fin et attendais désespérément que l'un des juges ait pitié de moi.

5- J'ai joué à la Place des Arts.

6- Au primaire, je jouais déjà à interviewer des célébrités avec un de mes voisins.

7- Ivo Pogorelich m'a fait un clin d'oeil en signant un autographe et j'ai pensé m'évanouir.

mardi 15 décembre 2009

La femme fragment

Nous sommes tous la somme de nos expériences mais aussi de celles de nos parents; voilà du moins la thèse que Danielle Dumais défend dans La femme fragment, un premier roman qui se révèle par bribes, au gré du regard posé par le lecteur dans cet intrigant kaléidoscope. Au fil des chapitres, Caroline nous est dévoilée : son amour des contes, ses souvenirs d’enfance atypique auprès d’un père qui a fui la société mais est prêt à tout offrir à sa fille, ses rêves, ses tiraillements amoureux. Par pans, grâce à un astucieux système de narration croisée qui permet de multiplier les points de vue et de maintenir l’intérêt du lecteur, on réalise qu’elle-même ne s’est pas encore entièrement apprivoisée, qu’elle a besoin de baliser son parcours, en souhaitant connaître l’histoire de cette mère qui l’a abandonnée jadis, en apprivoisant le vocabulaire amoureux au fil des relations, en apprenant à mieux connaître ce qui la définit.

Si j’ai été assez séduite par cette quête existentielle qui nous rejoint tous, j’admets avoir été par moments lassée par le style de l’auteure qui, en un même paragraphe, juxtapose parfois une image poétique magnifique et une autre plus maladroite, nous forçant à un curieux pas de deux entre enchantement et agacement. Si j’ai apprécié la multiplicité des narrateurs, qui permet d’établir un portrait le plus saisissant possible du personnage principal, j’aurais souhaité que, par moments, l’auteure brise ce moule et privilégie un rythme plus soutenu. Cela aurait évité certains passages qui donnaient parfois l’impression de tourner en rond – ou de réexaminer encore une fois un même fragment – et aider au souffle général du roman.

Curieusement, ces réserves n’ont que légèrement tempéré mon plaisir de lecture et j’ai plongé sans hésiter dans cette histoire de filiation à assumer et de violence plus ou moins transcendée. Les personnages atypiques continuent de m’habiter et, malgré une fin un peu à l’eau de rose, je me demande bien quelle vie ils mènent aujourd’hui. Peut-être bien parce que, comme Caroline, j’aime bien me faire raconter des histoires.

Les autres commentaires des collaborateurs de La Recrue sont ici...

dimanche 13 décembre 2009

Toucher l'âme

Hier après-midi, je découvrais de nouveaux lieux, de nouveaux auditeurs. En tant qu'accompagnatrice d'un collègue saxophoniste, nous étions invités à donner un concert d'une heure dans une résidence de personnes âgées. Pas de chansons de Noël sirupeuses (à part deux « rappels », histoire de faire chanter tout le monde), pas d'easy listening, du vrai répertoire. Bach, Handel (des arrangements pour saxophone de sonates pour flûte, ce qui implique que je ne jouais pas dans la tonalité originale), Paule Maurice (des extraits - faute de temps - de ses superbes Tableaux de Provence), Mozart (un arrangement d'une pièce pour piano!) et Scaramouche de Milhaud, une pièce qui déménage pas mal, tant au saxo qu'au piano, mais vraiment contagieuse.

Plusieurs cas lourds dans la salle, entourés des bons soins de parents et de bénévoles attentionnés , un piano accordé mais clinquant avec une pédale qui aurait exigé que je porte des échasses, un lieu un peu surchauffé: nous étions plutôt loin de conditions idéales de concert. Pourtant... Deux mouvements de Handel à peine et la salle était entièrement subjuguée. (Après le concert, la responsable du centre nous expliquera qu'elle avait rarement senti ses patients aussi calmes et attentifs.) Oui, ils ont applaudi entre les mouvements. Aucune importance. Oui, certains ont dû être déplacés en cours de concert (notamment cette dame qui, après le dit Handel, trouvait, avec raison, que le son du saxophone était drôlement puissant). Quand Pierre a présenté Mozart et a demandé au groupe assemblé (une soixantaine de personnes peut-être) si tout le monde connaissait Mozart et qu'une dame a osé répondre, à voix haute: « Moi, je ne le connais pas! », j'ai été troublée. Je me suis dit que, dans quelques secondes, elle allait enfin faire connaissance avec lui et une douce chaleur m'a aussitôt envahie. Je me suis sentie privilégiée de pouvoir lui offrir, comme ça, un cadeau de Noël un peu hâtif.

Certains ne se sont pas gênés pour commenter entre les pièces, manifester leur joie, exploser que « C'était donc beau cette pièce-là! ». Il y avait là une atmosphère bon enfant qui justifiait sans contredit les heures de répétition, les jurons étouffés quand la ligne « de la mort » nous échappe encore (mais elle a été vaincue au concert, c'est l'essentiel!), le salaire symbolique. Après le concert, plusieurs sont restés pour nous parler, dont une pimpante dame de bientôt 106 ans, peut-être bien la plus en forme de tous ceux présents. Cette autre, dont le père était semble-t-il musicien, nous a expliqué que nous avions touché son âme, plus, qu'après le concert, elle était « toute âme ». Je suis partie, le cœur léger, me disant que, parfois (souvent), je fais un métier tellement gratifiant.

En complément, le grand Londeix dans le premier mouvement du Scaramouche, initialement composé pour deux pianos.

vendredi 11 décembre 2009

Impromptu

(En réponse à la question : Qu'est-ce que la Poésie ? )

Chasser tout souvenir et fixer sa pensée,
Sur un bel axe d'or la tenir balancée,
Incertaine, inquiète, immobile pourtant,
Peut-être éterniser le rêve d'un instant ;
Aimer le vrai, le beau, chercher leur harmonie ;
Écouter dans son cœur l'écho de son génie ;
Chanter, rire, pleurer, seul, sans but, au hasard ;
D'un sourire, d'un mot, d'un soupir, d'un regard
Faire un travail exquis, plein de crainte et de charme
Faire une perle d'une larme :
Du poète ici-bas voilà la passion,
Voilà son bien, sa vie et son ambition.

Parce que c'est son anniversaire aujourd'hui, ces mots de Musset.

mercredi 9 décembre 2009

Parce que Mlle Funkel existe...


Un ami m'avait recommandé la lecture d'un charmant petit livre de Süskind, illustré par Sempé, L'histoire de Monsieur Sommer. Il m'avait surtout dit qu'il fallait absolument que je lise le passage dans lequel l'auteur décrit la prof de piano du narrateur. Suffisamment intriguée, je n'ai donc pas résisté quand je l'ai croisé - par hasard... - à la FNAC lors de mon séjour parisien.

L'histoire est charmante et troublante à la fois. M. Sommer est un vieil homme qui, par claustrophobie, marche sans arrêt et ne se pose nulle part. Il croise épisodiquement le jeune narrateur, la présence vaguement intempestive de l'hurluberlu du village l'empêchant même de tenter le grand plongeon lors d'un après-midi de désespoir... après une leçon de piano trop mémorable.

Süskind écrit le tout dans un registre assez troublant. Au début, on rit (vaguement jaune, mais quand même) en lisant les descriptions de cette Mlle Funkel, professeur complètement d'un autre âge, qui tempête, insulte, terrorise. Elle éternue sur le piano, justement sur le fautif fa dièse oublié deux fois de suite dans la petite valse de Diabelli jouée à quatre mains par maître et élève. Évidemment, plus le morceau avance et plus le jeune pianiste a des sueurs froides, parce que, n'est-ce pas, c'est quand même un peu dégoûtant de... vous voyez. Bien sûr, il rate de nouveau la note, incapable de s'y coller (littéralement).

Et puis, l'amusement fait place à un certain malaise ou même à un malaise certain. Parce que, malheureusement, j'ai entendu des tas d'histoires semblables à celle-ci... racontées la plupart du temps avec bien peu d'humour mais plutôt une douleur profonde. Cet ami a ainsi étudié avec une professeur complètement troublée psychologiquement qui l'hébergeait de temps en temps et exigeait de lui un rapport détaillé de ses moindres sorties, projetant sur lui un amour maternel des plus malsains. Quelques années après, elle n'a pas hésité à dresser le jury contre lui, histoire de se venger d'un « affront ». J'ai un autre ami qui, après avoir gagné des concours pendant des années, a claqué le couvercle du piano pendant 25 ans, traumatisé par l'ego trip que son professeur lui avait fait subir au quotidien. Il en a même parlé en thérapie pendant deux ou trois ans, avant de pouvoir tourner la page et retrouver - de façon purement amateure - un instrument qui le définissait pourtant en partie. C'est sans parler de cet autre qui, à 16 ans, a vécu sa première expérience sexuelle avec un professeur au charisme si redoutable que, parfois (souvent) on s'est demandé si sa classe n'était pas plutôt une secte.

Bien sûr, aucune de ces victimes ne serait prête à témoigner publiquement et les professeurs fautifs peuvent donc continuer en toute impunité à détruire les psychés de certains élèves, vraisemblablement parce que le lien professeur d'instrument / élève est l'un des plus intimes qui soit. On se sent rarement plus à fragile que lorsqu'on joue devant quelqu'un. (Pour ceux qui ne jouent pas d'un instrument, imaginez-vous une seconde nu sur une scène à déclamer un poème que vous venez d'écrire...) Quand le lien entre les deux membres de l'équation en est d'accueil, d'écoute véritable, de communion, cela peut donner lieu à certains moments parmi les plus puissants dans une vie créatrice, autant pour l'élève (qui a l'impression d'être réellement entendu, compris, accepté) que pour le professeur (qui découvre parfois au creux d'une interprétation particulièrement réussie matière à réflexion, à émotion). Mais, pour ça, il faut être disposé à tout entendre...

lundi 7 décembre 2009

Finzi

J'ai amorcé une curieuse partie de ping-pong musical avec un ami il y a quelques mois de cela. En effet, au gré de nos échanges courriels, nous partageons nos coups de cœur et découvertes musicales. Inutile de vous préciser qu'il est assez rare que nous proposions une nième version de la Cinquième de Beethoven (une chose est certaine, la suggestion ne viendra pas de moi).

Cela force à écouter d'une autre façon, ce qui me convient tout à fait. Récemment, je lui proposais le disque de Guibadilina que vous pouvez écouter en cliquant sur l'onglet « Ces jours-ci, j'écoute ». (Je vous recommande tout spécialement la dernière plage du disque, Introitus.) Hier, il m'a proposé un mouvement qui s'est avéré un coup de coeur immédiat, le deuxième mouvement du Concerto pour clarinette de Gerald Finzi.


Je me suis alors mise à l'écoute de d'autres oeuvres de Finzi (dire que j'avais un sampler de l'éditeur Boosey & Hawkes qui traînait sur mes étagères depuis 2001 sans que je l'aie jamais écouté, mea culpa!) et ai glissé vers Come away, come away death! du cycle Let Us Garlands Bring, un cycle de cinq chants sur des textes de Shakespeare. La mélodie a hanté toute ma journée, placée qu'on le veuille ou non sous le sceau du 20e annivesaire de la tuerie de Polytechnique.

samedi 5 décembre 2009

Chez les autres...

Il y a de ces jours où je repère plein de trucs intéressants chez les autres... Alors, tiens, pourquoi pas, je partage!

Lu chez Le délivré, le blogue de l'inspirée Librairie Monet, les top 5 des libraires. Mercredi et jeudi, nous avons respectivement eu droit aux coups de cœur BD et jeunesse, hier, romans et essais. Je suis obligée d'admettre que j'ai lu bien peu de titres dans ces listes, qu'aucun ne se retrouve dans ma PAL mais que quelques-uns me font de l'oeil après avoir consulté les listes. Et vous, ça vous inspire?

J'ai été assez estomaquée par ma lecture de l'article de Vincent Marissal, Une bibliothèque, non merci!, paru dans La Presse d'aujourd'hui. J'admets volontiers que j'ai tout raté de cette incroyable chicane de village qui semble même avoir transformé des amis en fervents ennemis. Mais quand même! En résumé: la ville de Baie-des-Sables s'est vu proposer une toute nouvelle bibliothèque, presque entièrement payée par le gouvernement, mais la population s'est rebiffée. Après un référendum, des menaces à peine voilées aux conseillers municipaux en accord avec le projet, le tout a fini par tomber à l'eau... Sidérant!

Dans la même édition du journal, j'ai été très troublée par la chronique de Marie-Claude Lortie, Tous victimes de l'attentat du 6-12. Parce que c'est encore très frais dans ma mémoire, 20 ans plus tard et aussi parce que c'est toujours aussi étrangement perçu pour une jeune femme de choisir d'étudier dans un domaine traditionnellement masculin. (Ma nièce aînée, née quelques années à peine avant l'attentat, termine son baccalauréat en génie ces jours-ci et, oui, elle fait encore partie de la minorité très visible.) Devrait-on ressusciter le féminisme pur et dur? À lire ici...

jeudi 3 décembre 2009

Suggestion cadeaux

Difficile de croire en contemplant le lac qui s'accumule dans mon jardin que nous sommes en décembre. Heureusement que nous avons eu droit au clin d'oeil de la neige en début de semaine, histoire d'ajouter un peu de pétillant au quotidien.

Pour vous éviter de vous retrouver dans la cohue des magasins les derniers jours avant Noël, pourquoi ne pas profiter d'Internet et commander vos cadeaux littéraires ou musicaux en ligne. Une suggestion ou deux?

Alfred Brendel plays and introduces Schubert. Medici Arts. 5 DVD.

L’immense Alfred Brendel a pris officiellement sa retraite il y a bientôt un an mais il continue à inspirer pianistes et mélomanes au disque ou, comme ici, sur DVD. Grâce à Medici Arts, qui reprend 13 films tournés pour la télévision dans la seconde moitié des années 1970, nous retrouvons Brendel qui non seulement nous interprète les grandes œuvres de Schubert, compositeur qu’il a toujours admirablement défendu – dont sa Fantaisie « Wanderer » et la grande sonate en si bémol D. 960 – mais les présente, révélant aussi bien des pans de la vie de Schubert que sa relation toute personnelle avec le compositeur. Pour l’amateur de grand piano.

Pictures Reframed. Leif Ove Andsnes & Robin Rhode

Pour ma part, je craquerais bien pour le coffret livre/CD/DVD de l'étonnant projet du pianiste Leif Ove Andsnes qui a décidé de revisiter les Tableaux d'une exposition de Moussorgski en s'associant à un complice: l'artiste visuel Robin Rhode. On pensait avoir fait le tour de cette oeuvre mais il semble bien qu'elle n'ait pas encore dit son dernier mot. Pour vous en convaincre, je vous invite à visionner le clip de présentation du projet. Malheureusement, la chose ne semble être disponible pour l'instant qu'aux États-Unis et en Europe. Patience, patience...

lundi 30 novembre 2009

Proud to be a Gleek

Je ne passe pas toutes mes soirées au concert ou plongée dans un livre. Oui, parfois, il m'arrive d'avaler deux ou trois séries télé. J'aime bien visionner les premières émissions - ce que les Américains appellent des pilots. Je décide ensuite si je m'investirai pendant un certain nombre de semaines. Dans cette catégorie, quelques coups de cœur convaincants au cours des dernières saisons: Les Invincibles, La Galère ou Les Hauts et les bas de Sophie Paquin. Du côté des émissions américaines, j'ai cédé il y a des années à la fièvre CSI (mais seulement la version originale, « Las Vegas ») et la saison dernière à Fringe.

Cette saison, deux grands gagnants, une émission produite ici, Aveux (série qui s'est malheureusement terminée la semaine dernière mais qu'on peut toujours visionner sur Internet) et l'autre, à l'opposé du spectre, Glee. Aveux se jouait dans l'intensité, la profondeur, les non-dits et misait sur une écriture particulièrement maîtrisée du dramaturge Serge Boucher et un jeu exceptionnel d'acteurs qui pouvait tout révéler en un seul regard. Glee est une émission feel good, ciblée pour un public d'adolescents (ou d'adolescents attardés) et de fanas de numéros musicaux. Tous les archétypes associés aux émissions d'ados s'y retrouvent: le joueur de football, les meneuses de claque, le bum au cœur tendre, l'intello vaguement rejeté, l'artiste en devenir. On y intègre aussi un homosexuel à la garde-robe extravagante (peut-être bien le personnage le plus délicieux), un professeur de chant attentif, une conseillère pédagogique vaguement névrosée (qui a peur de se salir les mains), une virago... Alors, pourquoi ai-je craqué après moins d'une heure? Bien sûr, à cause de la musique, qui présente une série relectures de hits. Et puis, parfois, dans ces temps difficiles, on a besoin de retrouver l'ado que nous avons été ou que nous avons rêvé d'être.

Le clip de présentation...


La chanson Don't stop believing, tirée de l'album. (Malheureusement, des questions de droit d'auteur ne permettent pas le partage du clip original.)

samedi 28 novembre 2009

Rendez-vous manqués



Parfois, on sort emballé du visionnement d'un film, de la lecture d'un livre. Parfois, à l'opposé, on déteste la pièce, on exècre une exposition que l'on considère inutile. Entre les deux, il y a cette zone trouble, celle des rendez-vous manqués, quand on a l'impression que tous les éléments étaient pourtant en place pour que l'objet artistique nous rejoigne mais que, pour une raison ou une autre, la connexion ne s'est pas établie, ou sinon, de façon sporadique.

Dans la même semaine, j'ai vécu deux de ces rendez-vous manqués. Peut-être étais-je dans un univers parallèle et cela m'a empêchée de céder aux charmes d'une œuvre, je ne sais pas. La surcharge de travail aurait-elle suffi à me faire basculer de l'exaltation ressentie après avoir vu, entendu et ressenti par toutes les pores de ma peau l'opéra de Gilles Tremblay? Je cherche encore... Hier soir, j'étais au TNM. Au programme: L'imposture d'Evelyne de la Chenelière. Le résumé me laissait présager un moment de communion lumineuse: Ève, une auteure égocentrique, offre à son fils Léo son roman, pour qu'il lui serve de prête-nom, que le texte connaisse une gloire - fût-elle éphémère. J'attendais avec impatience les phrases magnifiques sur le geste d'écrire, une toile tissée de façon subtile entre les personnages, des jeux de pouvoir, de fragilité aussi. Certes, j'ai vibré lors de certains passages (ceux qui traitaient de l'écriture mais aussi certaines images mère-fils) mais ai ressenti un agacement certain pour cette histoire de Justine (soeur de Léo) qui devient esclave plus ou moins consentante d'un gang de rue. Souhaitant peut-être opter pour un traitement postmoderne du propos, l'auteure nous a arrosés de poncifs sur les jeunes Noirs qui ont fait déraper le texte vers un univers parallèle qui n'avait que peu à voir avec la (déjà touffue) trame principale. Je suis donc sortie du théâtre perplexe, emballée par le jeu d'acteur du jeune Francis Ducharme, énervée par la caricature du personnage d'Ève transmise par Violette Chauveau et avec le sentiment que le texte aurait eu avantage à être resserré, élagué. Less is more...

Quelques jours auparavant, j'avais terminé la lecture de L'hiver retrouvé, premier roman de Marie-Noëlle Gagnon, un diptyque assez intrigant. En première partie, on assiste à la quête d'un jeune homme qui souhaite oublier son passé et se réinventer dans le petit village de Sili, duquel la mer s'est retiré il y a des années. Il y tombe amoureux de Cerise, s'intègre avec plus ou moins de facilité au quotidien du village, tente de devenir sans succès celui qui y ramènera la mer. Un conte pour grands enfants, servi par une écriture assez directe, mais qui s'égare parfois. J'aimais bien l'idée de cette quête impossible, qui mènerait irrémédiablement à l'exil du narrateur. Je me suis laissée convaincre par plusieurs histoires parallèles, comme celle de la fille laide. Pourtant, j'avais l'impression de ne pas entièrement saisir où l'auteure souhaitait me mener.

En deuxième partie, rupture de ton, de lieu, d'atmosphère. Le jeune homme débarque sur une île où règne en maître l'hiver... et une ogresse, qui a dévoré tous les habitants de son village, dont son ancien amant. Un troublant pas de deux s'initie entre les deux, porté par un dialogue poétique, puissant, envoûtant. La narration de l'histoire passe de l'un à l'autre: d'abord l'apprivoisement, puis la passion, puis la réalisation que cet amour ne peut en être de contes de fées. Ceci donne lieu à des pages vraiment magnifiques, mais dont on cherche le lien avec l'atmosphère plus bon enfant de la première partie. Aurait-il été souhaitable de lire les deux sections comme deux novellas indépendantes, mettant en lumière le même personnage? Peut-être. Aurait-il fallu se concentrer sur l'une ou l'autre des histoires? Je ne sais pas. Une chose est certaine: je ne ressens aucune indifférence face à ce curieux objet littéraire. Mieux: il y a suffisamment de qualités pour que je lise le deuxième opus de l'auteur. Le rendez-vous n'est peut-être pas tout à fait manqué, maintenant que j'y pense...

jeudi 26 novembre 2009

Du baroque à la bouche, bouchées exquises pour musique baroque.


Certains se souviendront peut-être de la défunte chronique La Cena musicale que je tenais jadis pour La Scena Musicale, qui avait plusieurs adeptes et proposait des recettes inspirées d’œuvres musicales, de compositeurs ou d’interprètes, que ce soit poires Belle Hélène, pasta Tetrazzini ou tornedos Rossini. Chaque année, on insiste pour que je fasse mon semifreddo (une recette initiée par Verdi) à la crème de marron, une création concoctée après avoir testé trois ou quatre déclinaisons de la recette.

J'étais donc particulièrement intéressée par le nouveau disque / livret de recettes des Boréades, qui n’en sont pas à leur premier métissage et qui nous offre ici, juste à temps pour le temps des fêtes (quel hasard!) une association gourmande entre musique baroque (ou apprêtée à la sauce baroque, comme c'était le cas avec ses albums Beatles Baroque, aux charmes desquels j'avais volontiers cédé jadis, crime de lèse-majesté pour tout puriste qui se respecte!) et gastronomie, des bouchées apéritives aux desserts à partager.

Les recettes, qui mettent en valeur les produits Première Moisson – chez qui le disque/livret de recettes est disponible à un prix modique – sont simples mais attrayantes. On y trouvera ainsi un Petit Croc Baroque tout simple (des canapés fromage de chèvre, dattes, bacon) jumelé à Norwegian Wood des Beatles, d’exquises tartines aux deux canards (recette que j'ai hâte de tester) associées à un mouvement d’un concerto de Michel Corrette ou des biscuits de pain perdu accompagnant Don Quichotte chez la duchesse de Boismortier. Un cadeau d’hôtesse idéal mais vous voudrez peut-être bien en garder une copie juste pour vous!

mardi 24 novembre 2009

Les petites filles dans leurs papiers de soie

Les blessures de l'enfance sont souvent les plus insidieuses. Morgan Le Thiec l'a compris et signe avec Les petites filles dans leurs papiers de soie un troublant recueil de 14 courtes nouvelles. À la limite entre expérience narrative et poétique, ces instantanés presque impressionnistes nous révèlent des personnages troublés, troubles, pourtant proches du lecteur. Raccourcis, ellipses, l'auteure suggère, insinue. « Il pleut sur la rue Scribe, sur le théâtre, à deux pas. Il pleut sur Nantes. Une pluie d'été pleine de chagrin. Je suis un assassin aux petits pieds, assis dans un café. Depuis quelques heures, j'ai un fils qui s'appelle Emmanuel. » (p. 89) Peu de mots inutiles, chaque phrase semble calibrée avec une minutie presque maniaque. Plutôt que des vagues de mots, on en perçoit plutôt des éclats, comme si l'auteure avait cherché à concentrer au maximum les heures de non-dits, la douleur de l'abandon, le malaise, l'incompréhension.

Morgan Le Thiec manie la chute avec une dextérité étonnante, nous laissant tantôt errer quelques minutes, seuls dans une brume d'émotions (La Naine rouge, En ce jour infranchissable, ou L'Héritier par exemple), précipitant la déchirure à d'autres (Coquelicot ou Memorial Drive). Aurait-elle le souffle pour produire un roman? Il faudra voir. Mais quand vient le temps d'extraire l'émotion, elle est remarquable. À savourer à petites doses, en laissant les destins des personnages se mêler à notre quotidien quelques instants encore.

lundi 23 novembre 2009

Cyberchef

Début de semaine maussade. Pour vous faire sourire un peu, ce clip tiré du projet de l'Orchestre de jeunes autrichien, qui nous offre une intrigante télécommande qui pourrait peut-être bien renouveler entièrement l'expérience de concert telle que nous la connaissons.



Les autres titres tirés du même DVD sont tout aussi savoureux. Ici...

dimanche 22 novembre 2009

Le monde d'un critique musical

Le fait est suffisamment rare pour que j'en fasse mention. Dans l'édition du week-end de La Presse, la musique classique a droit à un spread de trois pages complètes (plus une image qui gobe toute la couverture du cahier Arts et spectacles et un visuel sur la une!), qui nous permet d'entrer dans le monde musical du critique Claude Gingras. Il y partage ses 10 œuvres coup de coeur, pose la question à des chefs d'orchestre. On peut aussi visionner une série de vidéos qui nous permettent de découvrir son impressionnante collection de vinyles et de CD et de l'écouter évoquer certaines de ces oeuvres importantes.

C'est par ici...

vendredi 20 novembre 2009

Ravissement pour les yeux et les oreilles


Première hier soir de l'opéra L'eau qui danse, la pomme qui chante et l'oiseau qui dit la vérité de Gilles Tremblay. Les yeux happés aussi bien par l'univers féerique magnifiquement rendu par un dispositif scénique à la fois audacieux et sobre que les éclairages somptueux et les superbes costumes, j'ai cédé en quelques secondes à peine au charme de cet immense ouvrage du duo Tremblay-Morency. Le livret de Pierre Morency, où l'image prime et les sonorités de chaque terme ont été savamment peaufinées, continue de me hanter. (Saluons d'ailleurs l'idée astucieuse de nous le remettre, histoire de prolonger le plaisir, les derniers applaudissement éteints.) La musique de Gilles Tremblay, chatoyante, ondoyante, percutante, s'y collait en aplats particulièrement réussis, qui soutenait tantôt le côté féerique et mystérieux des quêtes de nos héros et, à d'autres, commentaient astucieusement les états d'esprit des personnages.

Une distribution solide, habilement encadrée par Robert Bellefeuille, a transmis l'œuvre avec brio. Je retiendrai particulièrement la performance de Claudine Ledoux qui, en pomme qui chante des onomatopées a réussi à transmettre frissons et chair de poule, la présence scénique remarquable de Jean Maheux, dans le rôle d'Yby, semi-parlé, semi-chanté, le velouté de la voix du ténor Sylvain Paré dans le rôle de Chérot, la gestuelle d'oiseaux du contreténor Scott Belluz et de la mezzo Stéphanie Pothier. La chef Lorraine Vaillancourt a défendu la partition avec une rigueur éblouissante et les musiciens du NEM ont démontré une maîtrise exceptionnelle de ces pages aux multiples strates sonores. Chapeau aux créateurs!

Il vous reste deux occasions de vivre la magie de l'oeuvre, ce soir et demain soir au Monument National. Si je n'avais pas déjà un impondérable demain soir, j'y retournerais, c'est tout dire...

Infos ici...

photo: Matthieu Dupuis

mardi 17 novembre 2009

Pause BD


Même enfant, je n'étais pas très friande de bandes dessinées. Bien sûr, j'ai dévoré les Astérix (le côté rigolo mais aussi le contexte historique m'interpellaient et j'ai adoré en lire une ou deux aventures en latin au secondaire) mais Tintin et Lucky Luke me laissaient plus froide. Dans mon panthéon personnel, il y avait plutôt Peanuts (Snoopy en écrivain paumé reste mon idéal de littéraire et Schroeder qui joue pour une Lucy pâmée sur son piano mon idéal de musicienne), Gaston Lagaffe, Achille Talon et les Rubrique-à-brac. Un peu plus tard, j'ai cédé sans réserve aux planches hilarantes et décapantes de The Far Side et à la tendresse de quelques Paul. Souhaitant faire une petite pause lecture, j'en ai profité pour m'enfiler deux BD, deux soirs de suite, dont les univers sont particulièrement éloignés l'une de l'autre.

Will Eisner pratique un dessin en noir en blanc et raconte des histoires brèves dont New York est souvent la toile de fond et qui transmettent en quelques bulles à peine un état d'esprit, qui pousse souvent à la réflexion. On y aborde la misère ou la mort de front, sans fard, mais aussi les joies oubliées d'une enfance passée dans les ruelles de la mégapole. Marsi privilégie quant à lui une bande dessinée plus ludique, qui interpelle l'enfant en nous. Les planches sont un délicieux amalgame entre une approche classique de la bande dessinée et une coloration festive des traits. J'ai souri plusieurs fois en détaillant le tracé des personnages ou en lisant les savoureuses insultes qui ponctuaient l'arrière-plan (très Hergé).

De juxtaposer ces deux façons d'aborder le médium démontre surtout combien le neuvième art, tout comme la littérature ou la musique, est multiple et qu'il serait inutilement réducteur de tenter de le circonscrire dans un seul moule. Vive la BD libre!

Salon du livre demain

Eh oui, voici venu le temps des allées surchargées de livres et de rencontres impromptues avec des auteurs d'ici et d'ailleurs. Demain soir, j'y serai à titre officiel, alors que j'animerai une table ronde démontrant combien la musique a toujours tenu une place importante dans le cœur des Québécois. Vous en doutez? Vous ne devriez pas.

Je m'entretiendrai alors avec deux musicologues, un historien et un professeur en cinéma et audiovisuel: Amélie Mainville (auteure de La vie musicale à Trois-Rivières), Réal Larochelle (Le patrimoine sonore du Québec, qui souligne le 20e anniversaire de la Phonothèque québécoise), ainsi que Marie-Thérèse Lefebvre et Jean-Pierre Pinson (Chronologie de la musique au Québec, une encyclopédie de la musique religieuse et de concert). C'est à 19 h 15 à l'Agora.

dimanche 15 novembre 2009

L'immense abandon des plages

Comment réussit-on à saisir, à apprivoiser le deuil d’une mère, surtout quand « Elle est l’écume sur les plages, elle est au bord de toutes les grèves, aux frontières de chaque continent. Il me semble que c’est son parfum que le vent trimballe et qui entoure les Îles dans un tourbillon vaporeux » (p. 64)? Mylène Durand l’évoque dans un premier roman à la forte charge poétique. Décliné en phrases courtes, en incises, qui deviennent respiration et rappellent le lancinant et apaisant reflux des vagues, L’abandon des plages nous propose trois regards entrecroisés qui révèlent progressivement les pans d’une histoire tumultueuse, dont les effets continuent de hanter aussi bien Élisabeth que Claire. Cette dernière choisit plutôt l’action, Elie la fuite vers Montréal. L’une s’incarne dans le quotidien, dans les petits gestes; l’autre dans les mots. « Est-ce que je dois écrire pour ne pas mourir? Ou est-ce que je meurs un peu plus à chaque mouvement de crayon? » (p. 57)

Le lecteur se laisse bercer par les propos entrecroisés, happer par la beauté envahissante des Îles, et à l’occasion se perd un peu dans la trame narrative. L’idée d’intégrer trois voix distinctes (les lettres de Claire, le journal d’Élisabeth et un narrateur omniscient) était intéressante mais m’a semblé non entièrement assumée. J’aurais souhaité une distinction plus apparente entre ces trois voix, plutôt qu’un écho fragmenté en trois récits. Néanmoins, je me suis laissé porter par la puissance des mots choisis, par leur pouvoir d’évocation. Mylène Durand reste à son meilleur quand elle extrait l’intensité d’un moment, d’une émotion, en quelques mots ciselés. Bien égoïstement (sachant comment cette route est solitaire au Québec), j’aimerais qu’elle aborde la poésie dans son prochain opus. « J’aime la poésie. Je lis quelques lignes, quelques mots, qui me peuplent et, telles les vagues, se déposent quelque part au fond de moi, sur des blessures. » (p. 24) Une chose demeure certaine : je la relirai avec plaisir.

Les autres commentaires de lecture des collaborateurs de La Recrue se retrouvent ici...

vendredi 13 novembre 2009

Un monde mort comme la lune


Lauréat du Prix Judith-Jasmin en 2006 pour ses reportages sur la guerre au Liban, Michel Jean nous avait ouvert son carnet de souvenirs l’année dernière dans Envoyé spécial. J’avais alors salué la cohésion et l’accessibilité du propos. Cette fois-ci, le journaliste fait le grand saut vers l’écriture de fiction et nous offre, avec Un monde mort comme la lune, un premier roman intégré à une trame historique, celle des derniers mois du président haïtien Jean-Bertrand Aristide, moment-charnière que Michel Jean connaît bien pour l’avoir vécu de l’intérieur. (Il en parle d’ailleurs dans Envoyé spécial.)

Jean-Nicholas Legendre, grand reporter pour la télévision québécoise, part pour Haïti pour y suivre la trace de narcotrafiquants et préciser la teneur des liens entretenus avec les gangs de rue montréalais. Au fil des jours et des rencontres, il découvre non seulement la vérité mais doit combattre les charmes troublants de Bia, une jeune prostituée qui se révèle liée à l’un des caïds de Cité-Soleil. Dans la première partie du roman, on suit pas à pas et avec un intérêt certain le travail du journaliste. Le style est précis, efficace, rapide. On tourne les pages avec une certaine fébrilité et un plaisir presque coupable, comme lorsqu’on dévore un polar bien ficelé.

Le reportage est bouclé, présenté à la télévision. Il soulève l’intérêt de certains, l’ire de plusieurs. C’est là que la vie de Jean-Nicholas Legendre bascule, comme le ton du roman, et qu’on aborde le registre très chargé de la vengeance. C’est là, aussi, que l’auteur m’a un peu larguée. Si j’avais été légèrement dérangée par les états d’âme du héros en première partie, tiraillé entre son amour – presque trop parfait – pour sa femme et son attirance pour Bia, je suis restée plus que perplexe face à cette histoire un peu trop rapidement bâclée de vengeance qui finit par se transformer en rédemption. J’aurais aimé mieux comprendre les motivations de l’homme ébranlé derrière le reporter, apprivoiser les déchirements ressentis face aux choix auxquels il se juge confronté, pouvoir plonger encore plus profondément dans sa psyché. Un choix aurait selon moi dû être ici assumé par l’auteur : soit laisser tomber l’indispensable réserve journalistique et nous mener dans des zones plus troubles ou soit opter pour une aventure de reporter classique, moins « émotive », qui aurait permis un même rythme, plutôt soutenu, du début à la fin du roman.

Malgré ces réserves et la difficulté parfois de dissocier l’auteur (Michel Jean, personnalité publique) du personnage (Jean-Nicholas Legendre, reporter, pourtant pas son alter ego), ce premier roman m’a paru plus achevé que bien d’autres essais du genre et je l’ai avalé en un après-midi. Par souci d’équité – et d’intégrité journalistique –, j’ai dû me poser la question suivante : si je n’avais pas connu la face publique de l’auteur, aurais-je été aussi exigeante? Je ne crois pas. Je lirai donc avec intérêt son prochain roman (qui rompra avec le monde journalistique, selon ses dires), qui nous permettra sans doute de mieux saisir la personnalité alors plus assumée du romancier.

jeudi 12 novembre 2009

Opéra féerie

Dans une semaine exactement, aura lieu la première mondiale de L'eau qui danse, la pomme qui chante et l'oiseau qui dit la vérité, cet opéra-féerie pour 12 interprètes et 25 musiciens signé Gilles Tremblay, somme d'une vie. Empreint d’une forte charge poétique, cette oeuvre lyrique se veut le fruit d’une collaboration entre le compositeur et le poète et romancier Pierre Morency (qui signe ici son premier livret), deux hommes unis par une même communion avec la nature. « Ils parlent le même langage », soutient Pauline Vaillancourt, directrice artistique de Chants libres, qui a commandé l'œuvre au compositeur. Morency parle plutôt d’une « rencontre très spéciale, d’une conjonction qui aura permis à cette œuvre de naître » .

J'ai eu le plaisir de m'entretenir avec Pauline Vaillancourt, Lorraine Vaillancourt (qui dirigera l'orchestre), Pierre Morency et le metteur en scène Robert Bellefeuille. Vous pouvez lire l'article dans le numéro courant de La Scena Musicale, disponible en format PDF ici...

J'ai très hâte à cette première, pour plusieurs raisons. Tous ceux qui ont pris part à ce projet fou sont formels: on a affaire à une grande œuvre. De plus, ce n'est certes pas tous les jours qu'on peut se targuer d'avoir assisté à la création d'un opéra, surtout au Québec. J'aime aussi que le livret soit basé sur des contes de fées de madame d'Aulnoye, « revisités » par Pierre Morency qui, avec l'aide du compositeur, a fait des recherches dans les archives folkloriques de l'Université Laval afin de retrouver les contes fondateurs et les versions québécoises de ces histoires. Et puis, la musique de Gilles Tremblay est toujours chatoyante et se prêtera à merveille à cette histoire de quête, qui ne peut que continuer à nous rejoindre en cette époque parfois troublée. De plus, pour une fois, les billets sont accessibles: 40 $ et 20 $ pour les étudiants et aînés. Au plaisir de vous y croiser jeudi prochain?

Tous les détails sur le site de Chants libres...

Une image (et quelques notes) valent mille mots. Voici le (court) clip de présentation de l'oeuvre.

mardi 10 novembre 2009

Vedettes de la télé

J'avouerai volontiers que, dans mon panthéon personnel, les entrevues avec Alfred Brendel et Yo-Yo Ma sont des souvenirs que je chéris, le premier parce que j'avais l'impression de téléphoner à Dieu lui-même et le second parce qu'il était tellement généreux que j'en étais tout simplement renversée. (J'avais pourtant dû envoyer mon CV avant de pouvoir l'interviewer!)

Mais, eh non, je ne fréquente pas que les vedettes du classique en entrevue. Ce matin, par exemple, je faisais partie des médias invités pour interviewer Jayme Rae Dailey, une des quatre finalistes de la populaire émission So you think you can dance Canada. Que faisais-je au milieu des caméras de CTV, de TVA et de journalistes de La Presse et The Gazette, vous demanderez-vous? Eh bien, j'avais un article à écrire pour La Clé, le journal parents-élèves du Collège Sainte-Anne à Lachine, institution dont Jamie est diplômée (son jeune frère y complète son cursus cette année). Eh, oui, après avoir posé quelques questions plus sérieuses, j'ai pu faire ma groupie et demander un autographe pour l'ado de la maison. (Cessez de rire dans le fond! Oui, je sais, je suis sans doute la plus ado de la maison...)

Impressions, comme ça? La jeune fille est charmante, articulée, semble très saine malgré les montagnes russes émotionnelles des dernières semaines. Après-demain, elle s'envolera pour deux semaines de répétition pré-tournée canadienne. Après? Elle parle de continuer à danser, de prendre des cours, rêve de voyager et de chorégraphier, surtout si c'est avec sa sœur jumelle (qui s'était présentée elle aussi aux auditions à Montréal). Du bonbon, quoi!

Dans une chorégraphie de Nico Archambault, gagnant 2008 de l'émission...

dimanche 8 novembre 2009

Les Murs


Je n'ai pas pu attendre mon exemplaire et ai acheté une copie du livre à la Librairie du Square vendredi - et en ai profité pour mousser l'auteure auprès de la libraire qui m'expliquait combien il était difficile de se fier aux étiquettes de prix pour évaluer la qualité d'un livre. (Je ne peux que l'appuyer là-dessus, ayant « subi » Les bienveillantes il y a quelques années... Par contre, je garde d'excellents souvenirs du Goncourt 2008.)

Hier, journée grise et froide, idéale donc pour la lecture dans un fauteuil confortable, bien au chaud, je m'y suis donc (re)plongée. Oui, je connais le texte (mais ne l'avais pas relu depuis plus d'un an). Oui, je connais (très bien) l'auteure. Non, il n'y avait aucune surprise au niveau du contenu (réaménagé, peaufiné, mais resté essentiellement le même). Pourtant... Je me suis laissée happer par le style, le rythme et la musicalité des pages. (Oui, je sais, c'est une déformation professionnelle. Il ne semble exister aucun traitement valable.)

Je ne vous propose pas un commentaire de lecture objectif (et c'est pourquoi je n'ai pas osé noter le livre dans ma liste). Je laisserai à mes collègues de La Recrue le soin de le faire et ne souhaite aucunement les influencer. Mais je partagerai ici quelques passages choisis parce que, souvent, de laisser la parole à l'auteur est l'acte qui lui rend le plus justice.
« C’est ça, la vraie solitude : non pas être seul sur une île, mais parler une langue étrangère dans une foule. » (p. 30)

« La folie, c’est au-delà des mots, au-delà de l’image, on la sent, on l’inspire, elle goûte le café noir et la bile et les cigarettes, elle goûte le vide, ça nous remplit. » (p. 79)

« Oui, je sais, j’aime les premières impressions, ces toiles blanches sur lesquelles on peut peindre ce que l’on veut, cette scène ouverte à tous ces personnages que l’on veut jouer, à tous ces masques que l’on veut porter, j’aime beaucoup, c’est tellement faux pour moi et tellement vrai pour l’Autre. » (p. 88)


« Une femme qui pleure, c’est une branche qui tremble au vent, ça peut être beau, mais un homme qui pleure, c’est le désespoir humain, c’est un chêne qui s’effondre, qui s’écrase lourdement sur le sol. » (p. 146)

En complément: une entrevue et critique parue hier dans Le Journal de Montréal...

vendredi 6 novembre 2009

Minuscules extases


Ceux qui sont déjà passés chez moi le savent: si ma PAL est relativement impressionnante (pourtant, décompte fait, je ne dépasse pas les 50 titres), elle ne fait pas le poids face à ma bibliothèque de livres de recettes. J'aime plonger dans ces livres, pour reprendre une recette aimée ou m'en inspirer au quotidien (quand j'ai suffisamment de temps bien sûr pour être « originale ») et je préfère le dépaysement des cuisines ethniques aux livres de référence. Je n'ai donc pas su résister au partenariat proposé par Blog-O-Book et NiL Éditions et me suis donc proposée pour lire Minuscules extases de Denis Grozdanovitch, dernier titre de la collection Exquis d'écrivains, dans laquelle des auteurs partagent leurs coups de cœur gastronomiques, avec une délicatesse et un doigté qu'on associe aux plus raffinées pâtisseries.

Denis Grozdanovitch nous propose ici 23 mises en bouche, tantôt frivoles, tantôt touchantes, certaines franchement plutôt salées (Cadavres exquis) et d'autres parfaitement moelleuses (Gauffres). Il nous invite à partager aussi bien des souvenirs d'enfance (Crêpes, Frites ou Escargots par exemple) que de sa vie de champion de tennis et de squash. Ainsi, Cassoulet est aussi effervescent dans sa narration que la leçon a dû être lourde à digérer ce jour-là (la défaite étant un plat dont on ne reprend guère). Parfois, il nous amène dans des contrées exotiques (Figues, Chorba ou Hobbit), parfois dans la campagne française (Piquette, qui interpellera quiconque a dû subir l'enthousiasme d'un vigneron apprenti souhaitant partager « son » vin) ou même dans l'intimité de ses rituels (Thé).

Certes, les textes ne sont pas tous égaux. Ainsi, Kumquats laisse une impression d'oubli aussitôt ingéré alors que Cadavres exquis (une histoire de nécrophagie) laisse un goût plutôt acide sur la langue et dépare un peu cette carte qui se décline sinon de façon plutôt subtile. J'ai préféré de loin l'auteur dans les pages imprégnées d'une douce tendresse (Synesthésies par exemple, qui nous fait rêver de connaître nous aussi quelqu'un qui puisse nous offrir un plat qui nous représente parfaitement) à celles où il prend un ton plus docte (Café), mais j'ai adoré être conviée à une telle union entre goût et lecture. Je jetterai sans aucun doute un oeil sur d'autres titres de la collection. On est épicurien ou on ne l'est pas...

mercredi 4 novembre 2009

Escalier musical

Je déménage à Stockholm, c'est décidé, idéalement près de la station Odenplan...

Dommage que ce ne soit qu'une publicité... soupirs...

mardi 3 novembre 2009

Le prix Robert-Cliche remis à Olivia Tapiero


Moments de fébrilité et de grande émotion hier soir, lors du lancement des titres de la saison automnale de VLB éditeur (romans), l'Hexagone (poésie) et Typo (essais) quand le nom de la lauréate du Prix Robert-Cliche a été enfin révélé au grand public. J'écris « enfin » car je connaissais son identité depuis le mois de juin, ayant le privilège de connaître Olivia depuis plusieurs années, puisqu'elle fait partie de ma classe d'élèves en piano et qu'elle est devenue une amie. J'admets donc volontiers que je n'ai donc aucune objectivité face à Les Murs, ayant lu et travaillé sur trois versions différentes de l'objet (dont une première ébauche, incomplète, en anglais) et plaide volontiers coupable de lui avoir un peu forcé la main pour qu'elle transmette son manuscrit au jury du Prix Robert-Cliche.

N'empêche, de pouvoir tenir l'objet entre mes mains hier soir (même si j'attendrai patiemment « ma » copie dédicacée dès que l'auteure aura reçu ses exemplaires) m'a causé un certain émoi. D'entendre la présidente du jury Louise Portal évoquer la force de son texte m'a troublée. De réaliser qu'elle était la plus jeune lauréate (19 ans) depuis la mise sur pied du prix en 1979 aussi. De pouvoir palper l'émotion de l'auteure quand elle a accepté les hommages était incomparable. « La plupart du temps, on s’oublie pour se rapprocher de ce que la vie exige de nous. Je vous remercie tous parce que ce soir, vous me faites sentir que c’est ma vie qui se rapproche de moi », a-t-elle exprimé fort éloquemment.

Vous n'avez pas à me croire sur parole quand je vous affirme que le texte possède une force incroyable et un style parfaitement maîtrisé, qu'Olivia possède un don assez exceptionnel pour la peinture de personnages. Je glisse en passant que ce livre avait auparavant été considéré aussi bien par les éditions Albin Michel que P.O.L. Vous serez peut-être ébranlé par le quatrième de couverture. Ignorez-le. Lisez tout simplement le roman et j'espère que vous oserez m'en parler après.

La nouvelle s'est répandue sur Internet comme une traînée de poudre hier soir. Vous pouvez déjà cet article du 7 jours.

Un article sur le site de Radio-Canada, qui présente également un extrait du roman est maintenant également disponible.

dimanche 1 novembre 2009

À l'est d'Eden

Après un peu plus de deux semaines, je me suis extrait d'À l'est d'Eden hier soir. Je vous rassure: ce n'était pas que la lecture en soit si pénible, au contraire. En fait, pour être honnête, pendant la semaine qui a suivi mon retour, j'ai dû lire une heure tout au plus, ce qui n'aidait aucunement à avancer la lecture d'une telle brique. (J'ai plutôt rattrapé mon retard côté émissions télé enregistrées pendant mon absence, mea culpa.)

Ce premier plongeon dans l'univers de Steinbeck m'a convaincue presque sans restriction. Il possède une plume exceptionnelle pour tracer le portrait d'une famille sur plusieurs générations, d'une époque (la charnière entre 19e et 20e siècles), d'un lieu (le mythique Ouest américain). Mais c'est surtout dans la façon dont il traite la psychologie de ses personnages en strates qu'il m'a particulièrement éblouie. Oui, certains sont méchants (Cathy/Kate, une vraie psychotique, fait une villain terrifiante par moments) mais la plupart sont si denses dans leurs contradictions (rien n'est jamais entièrement blanc ou noir chez Steinbeck, même quand on l'impression qu'il « type » ses personnages et qu'il les place en opposition directe) qu'on ne peut qu'être fasciné par cet univers, tantôt en couleurs franches, tantôt en demi-teintes.

Les personnages m'ont habitée une bonne partie de la nuit, c'est donc dire le lien intime, presque charnel, développé avec eux au cours des dernières semaines. Après la lecture d'une telle saga, je comprends aussi combien il peut être difficile pour un auteur américain qui rêve d'écrire « le prochain grand roman américain » de se convaincre de s'y mettre. La défi à relever reste en effet énorme, même si certains (dont Richard Powers et Le temps où nous chantions) y sont parvenus.

vendredi 30 octobre 2009

Plaisirs de l'Halloween

Je l'admets volontiers: j'aime l'Halloween. Autant la fête me laissait froide quand j'étais enfant (je ne comprenais pas l'intérêt de ramasser des bonbons puisque je n'en mangeais que très peu), j'ai fini par bien aimer son côté ludique en vieillissant. Avec mes élèves, nous travaillons dans la semaine qui précède des pièces où les fantômes et les dissonances ont la part belle. J'intègre jeu de notes en forme de sorcières, présentation de « classiques » et, bien sûr, friandises.

Mardi soir, j'ai proposé une expérience de composition/improvisation à trois élèves, membres d'une même fratrie. Nous avons commencé par réfléchir à ce qui rendait une musique « épeurante » (les dissonances, les crescendos intempestifs, les silences dramatiques, l'accord de septième diminuée, les tonalités mineures, etc.) et puis, je les ai invités dans un laboratoire de création digne du Dr. Frankenstein.

Sur un simple motif du premier (assez astucieux, je dois dire), la plus jeune a brodé un ostinato pendant que l'aînée commentait de façon dramatique. Trois ou quatre prises plus tard, nous avons convié la mère et la cadette de deux ans au « concert » et avons même immortalisé le tout sur mp3. (Merci, Audacity!) Le plus amusant est que, quand nous avons réécouté le tout (la pièce ou plutôt le work in progress dure un peu moins de 90 secondes), la cadette s'est subtilement approchée du piano et a décidé de, elle aussi, intégrer quelques commentaires musicaux bien ciblés à la trame narrative. Après concertation, un titre a été donné à la chose: Mystère et boules de notes!

Un intemporel du genre en partage...

mardi 27 octobre 2009

De l'accessibilité de la culture

Je fais un bref retour sur mon séjour en sol français, non pas pour vous narguer - là n'est pas du tout mon intention - mais, parce que, depuis que je suis revenue, je me questionne sérieusement sur l'accessibilité de la culture au Québec. Oui, je sais, l'offre est plus qu'abondante et il ne se passe une seule journée sans que ne soient offerts concerts classiques, pop, émergents, pièces de théâtre, spectacles de danse, expositions et une quantité phénoménale de spectacles d'humour. Mais combien d'entre nous peuvent se permettre d'en profiter? Voilà où le bât blesse.

Lors de mon périple, j'ai visité plusieurs musées: l'expo temporaire sur Tintoret/Véronèse/Titien et l'aile italienne du Louvre (j'ai frisé l'overdose), l'expo sur les graffitis à la fondation Cartier (à la fois frustrante et intelligente), le musée de la poupée (une requête expresse de mon accompagnatrice), l'Institut du monde arabe (deux expos diamétralement opposées mais d'une rare puissance), un musée consacrée aux artisans à Bourges (des objets magnifiques) et, mon préféré entre tous, le Centre Pompidou (dont une expo de photographes surréalistes et une consacrée aux femmes artistes, assez coup de poing). Coût moyen d'entrée? Cela variait entre gratuit (à Bourges) et 12 euros. Pas donné, certes, mais acceptable. Mais, si j'avais été demandeur d'emploi (admirez la subtilité du terme, beaucoup moins péjoratif que « chômeur »), les tarifs auraient chuté dramatiquement. (Dans certains cas, cela aurait été gratuit.) De plus, tous les musées français importants offrent non pas un tarif réduit aux étudiants, mais tout simplement la gratuité.

J'ai aussi assisté à deux concerts classiques. Je l'admets, celui de Pollini n'était pas donné (45 euros) mais l'autre, entendu à l'Église St-Merry, de grande qualité pourtant, était gratuit, comme tous les concerts offerts les samedis et dimanches par cette organisation. J'avais aussi reçu une invitation pour un récital de piano à la Salle Gaveau (prix des meilleures places: 20 euros) mais ai plutôt assisté à un spectacle de gothique et de post-punk ce soir-là. (Prix d'entrée: 3 euros) À Bourges, j'ai assisté à une pièce de théâtre, Les garçons et Guillaume, à table!, un one-man-show donné par un sociétaire de la prestigieuse Comédie-française, Guillaume Gallienne, nominé pour un Molière (quand même!) en 2009. Un mercredi soir plutôt frisquet, la salle du Théâtre municipal Jacques Coeur était bondée. Le prix des billets? Entre 11 et 15 euros! Dans la même ville de province, on offre régulièrement des soupers/spectacles à 25 euros (10 euros pour les enfants) qui font la part belle à des musiciens, danseurs, acteurs et artistes de cirque.

Quand avez-vous pu assister à un spectacle de qualité à moins de 30 $ à Montréal la dernière fois? Je vous laisse chercher... Bien sûr, vous me direz, il y a le cinéma, forme d'art à part entière et certaines salles de répertoire (notamment l'excellent Cinéma du Parc) offrent des tarifs plus que préférentiels. (Pour les mégaplex, on repassera.) Mais, comme ça, en « live »? Il y a quelques semaines, j'ai été très tentée par le spectacle de Fabrice Lucchini, dont on m'avait dit le plus grand bien. Quand j'ai vu le prix des billets (110 $!), devinez quoi? Bien sûr, j'ai changé d'idée et me suis dit que, pour le même montant, je pourrais me procurer plusieurs livres de Barthes et tenter de m'imaginer que Lucchini me les déclamait à l'oreille ou que, de façon plus réaliste, j'attendrais le DVD (en espérant que mon vidéoclub local l'aura en réserve, ce dont je doute fort) et m'offrirais alors une séance de lecture « privée ».

Un autre exemple en terminant? J'ai sous la main le numéro d'octobre du journal La Terrasse, l'équivalent parisien du Voir mais qui ne couvre pas les livres (et non!) ni la pop ni les restos, dépourvu de petites annonces, et qui m'a été remis gratuitement lors du concert Pollini. Sur 76 pages, 47 pages (je n'exagère rien) sont consacrées au théâtre, une au cirque (5 spectacles différents), 9 à la danse, 9 au classique et 7 au jazz! En couverture, cette citation de Pasolini, qui ne peut que me séduire: « La culture est une résistance à la distraction ». Je n'aurais pas pu mieux dire.

samedi 24 octobre 2009

Un Strad dans le métro... prise 2

Mardi le 20 octobre, si vous avez emprunté le métro en après-midi à la station Berri-UQAM, vous avez peut-être bien eu droit à un concert exceptionnel. Titillé sans doute par l'expérience réalisée par Joshua Bell dans le métro de Washington, le quotidien La Presse a décidé de retenter le coup, cette fois avec Alexandre da Costa, bientôt 30 ans, l'un des jeunes violonistes canadiens les plus en vue, invité de l'OSM la semaine prochaine.

Pendant 55 minutes, notre musicien a donc joué, incognito, en jeans et en chandail décontract (lui qui ne porte habituellement que des chemises!) des œuvres de Kreisler, Tchaïkovski, Bach et John Williams. Et alors? Les Montréalais sont-ils plus « cultivés » que les habitants de Washington? Les fans se sont-ils arrachés le t-shirt de la « vedette »? Pas tout à fait, mais quand même...

Si le violoniste n'a été reconnu que par quelqu'un du milieu, plusieurs personnes se sont révélées séduites par son jeu et l'éclat de son Stradivarius. Certaines personnes se sont vraiment arrêtées pour profiter du concert. Mieux: une jeune étudiante a texté en vitesse ses copains pour qu'ils viennnent aussitôt entendre le prodige (Alexandre étant l'un des rares à avoir plutôt bien négocié son passage vers l'âge adulte). Morale de cette histoire: ce sont essentiellement les jeunes qui ont craqué pour son jeu. Après, on essaiera de me faire croire qu'ils sont nécessairement indifférents à ce genre de stimuli.

On peut lire l'article de Nathalie Petrowski ici, l'analyse de la philosophe Mélissa Thériault ici plutôt et des réactions de passants là. Il y a fort à parier qu'Alexandre ressentira des émotions bien différentes quand il montera sur la scène de Wilfrid-Pelletier mardi soir, « protégé » par le décorum et le silence attentif.

vendredi 23 octobre 2009

Musique et peinture

Parfois, il y a de ces initiatives tout à fait séduisantes, qui permettent à deux formes d'art de s'allier. C'est le cas ici de la musique et de la peinture, qui se complètent admirablement. Fana de couleurs, Messiaen aurait été content... Après ça, on viendra me dire que la musique contemporaine est rébarbative, pfff!

mercredi 21 octobre 2009

Pollini Perspectives


De façon générale, je ne lis les notes de programme qu'en diagonale avant un concert ou une pièce de théâtre, préférant prolonger l'expérience de l'événement dans le wagon de métro qui me ramène chez moi ou même le lendemain ou surlendemain. Dans le cas du concert Pollini de la semaine dernière, j'aurais peut-être dû faire mes devoirs de façon un peu plus conséquente pour apprécier entièrement la maestria avec laquelle Pollini avait assemblé ce programme Chopin/Nono.

En effet, les trois œuvres de Nono présentées en deuxième partie, ... sofferte onde serene ..., dédiée à Pollini et sa femme, véritable quintessence de Nono, Djamila Boupacha et A floresta é jovem e cheja de vida possèdent toutes en leur coeur même un plaidoyer pour la paix, la sérénité et portent en filigrane la mort, celles de proches dans le cas de ... sofferte onde serene ... (les familles de Nono et de Pollini ayant été touchées), de combattants (Djamila Boupacha) et de milliers d'innocents (la dernière pièce, écrite en 1966, étant dédiée au front national de libération du Vietnam). Quand jumelées à une première partie qui comprend la Sonate « funèbre », la révolte du Premier Scherzo et la Deuxième Ballade (qui, selon le programme confié à Schumann parle de jeunes filles lithuaniennes persécutées par l'envahisseur russe qui se jettent dans un lac et se transforment en fleurs), on ne peut qu'être renversé par le souffle qui unit le propos. Au final, peu importe que je n'aie pas saisi toutes ces subtilités sur le champ puisque le concert continue de m'habiter.

Passons maintenant à l'interprétation proprement dite du matériel. Pollini reste égal à lui-même, en ce qu'il a une tendance à presser le tempo et continue de souhaiter nous éblouir par sa technique exceptionnelle. Dans la Ballade, cela a sans contredit empêché une certaine respiration naturelle de la pièce. (Mes élèves me reconnaîtront ici, avec mon insistance persistante à les forcer à respirer.) Dans le Scherzo ou le dernier mouvement de la Sonate, cela a permis de révéler toute la folie sous-jacente de l'oeuvre. Malgré ces réserves, plusieurs moments de magie se sont insérés en filigrane. Je retiendrai la poésie brute du mouvement lent de la Sonate, pourtant surjoué, la subtilité des pianissimos (qu'on entend de façon remarquable grâce à l'acoustique de Pleyel, dont la réputation n'est absolument pas surfaite), la tendresse qui s'échappait de ces pages et la respiration jamais entravée (enfin!). Dans ... sofferte onde serene..., cela a permis un contrepoint étonnant entre bande (enregistrée par Pollini et projetée) et les interventions « live » du piano, qui faisait ressortir un dialogue entre textures, couleurs (la pureté du Steinway et les effets de la bande) et émotions. (Le réputé froid Pollini ne pouvait que se laisser envahir par ses souvenirs, plus de 30 ans après la première de l'oeuvre.)

Le lancinant et profondément émouvant Djamila Boupacha a été admirablement rendu par la soprano Barbara Hannigan (une Canadienne, comme j'ai pu l'apprendre en lisant les biographies des artistes quelques jours après!) qui a réussi à en transmettre les moindres subtilités. La pièce de résistance A floresta é jovem e cheja de vida (une quarantaine de minutes) exigeait une concentration extrême, tant de la part des interprètes (chapeau au clarinettiste Alain Damiens notamment) que du public. Plusieurs n'étaient pas prêts à s'investir et, à mon grand désarroi, j'ai pu assister à des sorties massives (et parfois peu discrètes) de bien-pensants, sans doute frustrés que le grand Maurizio ait quitté la scène pour la soirée, agressés par la « violence » de la partition ou pressés de retrouver l'atmosphère feutrée des brasseries des environs de la salle. Il n'y a pas à douter: une mise en contexte - je dirais même plus: une mise en abime - aurait été essentielle pour apprivoiser cette partition dense, de laquelle j'ai l'impression qu'on peut extraire de multiples strates à chaque écoute supplémentaire. Je ne prétendrai pas avoir tout saisi - loin de là - mais je peux affirmer que la démarche artistique de Nono et les interprétations impeccables des dix interprètes, sous la direction de Marino Formenti, continuent de m'interpeller depuis une semaine. Un programme exigeant, donc, mais satisfaisant.

Alain Cochard a beaucoup moins aimé que moi sa soirée. Lire ici...
Les oeuvres de Nono ont été présentées à Londres il y a quelques mois. Classical Iconoclast (dont je découvrais le blogue) en parlait alors...
J'ai interviewé Pollini il y a trois ans. Lire l'article...

mardi 20 octobre 2009

Le piano

Une animation toute en douceur, qui prolonge pour moi un peu l'escale parisienne (difficile de faire plus parisien que la musique de Yann Tiersen) mais qui surtout ouvre le cœur.

lundi 19 octobre 2009

Lectures parisiennes

De retour en sol québécois depuis un peu plus de 24 heures à peine. Le décalage horaire semble tout à fait acceptable pour l'instant (la fatigue accumulée m'a sans doute bien aidée à dormir correctement la nuit dernière) et, d'ici une demi-heure, je pourrai constater si je suis encore capable d'enseigner.

Je vous reparle dans les prochains jours du concert Pollini, d'une représentation théâtrale vue à Bruges, de culture vécue au quotidien, mais déjà, je réponds aux questions lancinantes de certains lecteurs compulsifs qui pourraient s'inquiéter de la quantité de livres rapportée cette fois-ci. Sachez que j'ai été TRÈS raisonnable et que je n'ai rapporté QUE 10 livres, dont trois m'ont été offerts en cadeau (bref, n'est-ce pas, ceux-là ne comptent pas, si?). Ceux que j'ai laissés derrière moi, à Paris, chez l'un ou l'autre de mes amis, outre les prochaines recrues et Tarmac de Dickner pour Caroline, sont: Phénix d'Emmanuel Aquin, les poèmes de Nelligan et de Marie Uguay, Morphoses de Gilles Jobidon, Cartes postales de l'enfer de Neil Bissoondath, Nous seuls d'Emmanuel Kattan, Un coeur rouge dans la glace de Robert Lalonde, L'échappée des dieux de Reine-Aimée Côté et La peau des doigts de Katia Belkhodja. Oui, que de littérature d'ici (et trois disques d'interprètes canadiens).

Donc, dans l'ordre ou le désordre, se sont glissés dans mes valises: le dernier Antoine Laurain, Carrefour des nostalgies, dont on disait le plus grand bien sur les blogues (ce n'est pas ma faute donc!), Firmin (Autobiographie d'un grignoteur de livres) de Sam Savage (certains se reconnaissent-ils?), Les souffleurs de Cécile Ladjali (je ne connaissais pas l'auteure mais j'ai cédé au quatrième de couverture), La maison aux orties de V. Khoury Ghata (dernier coup de coeur d'un ami), L'histoire de Monsieur Sommer de Patrick Süskind (je sais, ce n'est pas une nouveauté, mais un autre ami m'a dit qu'il fallait ab-so-lu-ment que je le lise et, en plus, il y a des dessins de Sempé que j'adore), Amours nomades d'Isabelle Eberhardt (mais celui-là ne compte pas, c'est un Folio à 2 euros, un cadeau presque, donc), Le goût de Venise (un tout petit livre de textes réunis) et le premier tome de la BD New York de Will Eisner (des cadeaux là aussi) et trois livres achetés chez l'éditeur José Corti, qui continue de faire les choses à l'ancienne: La pluie jaune de Julio Llamazares (recommandé avec force par un libraire à mon ami qui m'accompagnait en cet antre du plaisir), Le marteau sans maître de René Char (pour le lien avec Boulez mais aussi parce que je n'ai jamais lu Char) et une édition bilingue des poèmes d'Emily Dickinson. (Ces deux derniers titres étaient dans le bac « exemplaires défraîchis » bref, à moitié prix). Ah? Certains d'entre vous suivent et cela fait plutôt onze... Pfff! Et alors?

jeudi 15 octobre 2009

La louée

Roman historique. Histoire romanesque. Page de vie transposée. Instantané d'un certain vécu au début du 20e siècle. La louée est peut-être bien tout cela mais il me semblerait inutilement réducteur d'identifier le tout par ses composantes. Avec une maîtrise assez remarquable pour un premier roman mais surtout une plume fine et précise, Françoise Bouffière réussit à nous faire basculer en quelques pages dans un univers dont on ne soupçonnait rien.

Au-delà de la peinture d'époque, cependant, je retiendrai les diverses strates d'un récit qui, par son universalité, continue d'interpeller, mais surtout les ambiances tantôt brutales, tantôt feutrées que l'auteure a su mettre en lumière. Un camaïeu de teintes qui trace un portrait plutôt réussi de la petite musique d'une vie de femme qui cherche à transcender son quotidien.

Lire les autres commentaires de lecture des collaborateurs de La Recrue

mardi 13 octobre 2009

dimanche 11 octobre 2009

Un lecteur

« La nuque d'un lecteur debout au fond.
Son profil gauche.
Mâchoire serrée.
Concentration massive.
Il s'apprête à changer de siècle.
Là, sous mes yeux.
Sans bruit.

J'ai toujours pensé
que c'était le livre qui franchissait
les siècles pour parvenir jusqu'à nous.
Jusqu'à ce que je comprenne
en voyang cet homme
que c'est le lecteur qui fait le déplacement.

Ne nous fions pas trop à cet objet couvert de signes
que nous tenons en main
et qui n'est là que pour témoigner
que le voyage a bien eu lieu. »

Dany Laferrière, L'énigme du retour, p. 32

jeudi 8 octobre 2009

Paris

Quand vous lirez ces mots, je devrais avoir atterri de l'autre côté de la grande mare. J'aurai été raisonnable et aurai seulement glissé dans mes bagages quatre livres, dont un ou deux que j'espère laisser là-bas (la littérature, c'est fait pour être partagé, après tout). Curieux? Bon, d'accord. Outre Phénix (que je terminerai dans l'avion vraisemblablement), il y a Morphoses de Gilles Jobidon, Cartes postales de l'enfer de Neil Bissonndath et À l'Est de l'Eden de Steinbeck.

Je vous retrouve bientôt mais vous laisse quelques surprises d'ici mon retour.

mardi 6 octobre 2009

Quartango

Je pars demain soir, mais avec un petit pincement au coeur quand même. Je manquerai quelques lancements pendant mon absence mais cela m'importe au fond assez peu. (Quand même, Maurizio Pollini et les amis, c'est franchement mieux!) Mais, tout de même, j'aurais bien aimé être de la partie pour célébrer le 25e anniversaire de Quartango. Je connais le groupe depuis leurs tout débuts ou presque et conserve toujours précieusement ma copie d'Espresso.

Virtuosité, musicalité, élégance, sensualité, humour : Quartango décline un tango riche en émotions. Composé de musiciens de haut niveau, soudés par une passion commune du tango et mus par une volonté toujours renouvelée de rejoindre intimement le public, Quartango offre des prestations toutes en nuances, aux couleurs métissées, à la fois ancrées dans la tradition classique, la modernité et l’effervescence des tangueras.

Demain, vendredi et samedi, ils fêteront dignement, au Théâtre Corona, avec les chanteurs Marc Hervieux (qui tient le rôle-titre dans Pagliacci à l'opéra de Montréal jusqu'à demain) et Gianna Corbisiero et les envoûtants danseurs Roxana et Fabian Belmonte.

Vous pouvez écouter des extraits de leur plus récent disque, lancé hier, sur le site du groupe...

lundi 5 octobre 2009

Perplexe

Je n'ai pas encore décidé si j'allais en rire ou pleurer. À vous de juger ce que vous avez raté en n'étant pas au Centre national des arts d'Ottawa samedi soir, lors de l'événement-bénéfice de l'OCNA. Bon début de semaine à tous!

dimanche 4 octobre 2009

L'énigme du retour


Je cours, je cours, histoire de boucler une foule de dossiers avant mon départ vers Paris, dans trois jours. Il m'est donc resté bien peu de temps pour lire des romans cette semaine, à mon grand déplaisir. (Par contre, j'en connais pas mal plus sur Frédéric le Grand, patron pendant un certain temps de Carl Philip Emanuel Bach... Mais, bon, on ne peut pas tout avoir dans la vie, n'est-ce pas?)

J'ai enfin complété hier la lecture de L'énigme du retour de Dany Laferrière, un roman à la forme assez inusitée, qui mélange (faux) haïku et narration plus traditionnelle, autofiction et roman, mais surtout superpose les regards que l'auteur porte (ou portait) sur son pays natal, Haïti. « Le dictateur m'avait jeté à la porte de mon pays. Pour y retourner, je suis passé par la fenêtre du roman. » (p. 156)

Il y a 23 ans, le narrateur (et auteur) a quitté cet Éden devenu purgatoire pour s'exiler dans une contrée où les hivers gomment les différences mieux que tout édit officiel. Devenu un homme mûr, il retourne au pays pour enterrer symboliquement un père qui avait choisi de s'exiler à New York mais surtout dans une certaine folie du quotidien. Il retrouve des lieux chéris lors de son enfance, des amis de jadis, des complices de son père, renoue des liens avec sa mère, sa soeur, son neveu, avec qui il discute de littérature (et qui donne lieu à quelques très belles pages, toutes en sobriété). Il s'approprie autrement un pays qui est le sien mais plus tout à fait, note, avec une certaine fébrilité, les gestes de cette vie qui bat, malgré les privations, les injustices, la violence.

La plume de Laferrière est alerte, elle saisit en quelques mots l'essence même de l'instant.
« Je descends dans la rue
pour un bain
dans ce fleuve humain
où plus d'un se noie

chaque jour. »
(p. 83)

Elle jette les amorces de dizaines d'histoires qui foisonnent et décloisonnent irrémédiablement ce périple vers hier mais aussi vers soi.
« Je crains qu'un événement si fort soit-il
ne puisse jamais bousculer

un homme dans ses habitudes.

La décision est prise bien longtemps avant

qu'on en ait véritablement conscience

et pour une raison qui nous échappera toujours.

L'instant du départ est si longtemps
inscrit en nous que le moment où il arrive

nous semblera toujours banal. »
(p. 43)

Pour pénétrer cet univers multiple, il faut accepter d'adopter un autre rythme de lecture, comme si l'indolence des journées tropicales nous atteignait, comme si nous devenions nous aussi témoins de ces destins qui croisent celui du narrateur et en altèrent irrévocablement le cours. La poésie de ce quotidien si éloigné du nôtre - mais l'est-il vraiment? - touchera alors au coeur.