vendredi 10 avril 2009

Soudoyer Dieu


Renée-Pier mène une vie comme tant d'autres, entre un travail plus ou moins inspirant de secrétaire et de longues séances d'entraînement. Elle qui a rêvé d'atteindre les plus hauts sommets en plongeon mais a dû y renoncer, noie ses doutes dans le dépassement de ses limites physiques. Une seule chose l'empêche de sombrer dans une certaine détresse: ses amies, confidentes mais aussi fières battantes. Un jour fatal de décembre 1989, la vie de Renée-Pier bascule irrévocablement, en même temps que celle d'Émilie, amie d'enfance, fauchée par les balles de Marc Lépine, le tueur fou de Polytechnique.

Avec ce premier roman, Thérèse Lamartine tente d'apprivoiser un univers trouble, qui sommeille en chacune de ceux et celles qui ont vécu la tuerie de près ou de loin. Ce qu'on prend d'abord pour une certaine faiblesse de Renée-Pier deviendra force. Un geste à la fois, un bouquet immaculé à la mémoire de sa Lili à la fois, elle se reconstruit. Le processus sera long, solitaire, en marge d'une société qu'elle ne peut plus saisir, avant qu'elle ne puise en elle la force nécessaire pour continuer d'avancer, même si plus jamais rien ne sera pareil.

Dans un style recherché, aux images travaillées, l'auteure plonge en son personnage, presque jusqu'au vertige. « Dans l'affliction, elle découvrait la poésie. La poésie, belle quand elle fait rêver ou voyager, dépayse, chante ou enchante. La poésie, grande quand elle révèle une expérience humaine jusque-là indicible, donne une substance, de la chair, à une chose qui n'en avait pas, cisèle un phénomène demeuré informe, met à nu un secret humain. » (p. 115-116)

Le livre est divisé en trois temps: « Le temps de l'avant » (qui aurait eu avantage à être resserré), « L'exil » (d'une grande poésie et d'une intensité troublante) et « La vie d'après » (légèrement convenu mais néanmoins bien mené). Dans un ton parfois tributaire d'un certain féminisme pur et dur (dans lequel je me suis moins reconnue), elle interroge, interpelle, propose des interprétations de ce geste mais aussi de cette relative indifférence avec laquelle plusieurs ont tenté d'occulter la violence de l'incident. Inutile de le nier, le 6 décembre 1989 restera gravé dans la mémoire des Québécois. Lamartine contribue, tout comme Denis Villeneuve, à mener ceux qui décident de la suivre vers une catharsis qu'on n'espérait plus.

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