dimanche 28 avril 2013

Composer's Kitchen

Que trouve-t-on dans la cuisine d'un compositeur? Des sons, des expériences, des idées; autant de potions plus ou moins magiques qui, si correctement utilisées, peuvent mener l'auditeur ailleurs. Et si on pouvait se tapir dans un coin du laboratoire et être témoin des essais et parfois erreurs, alors qu'une œuvre en est encore à ses balbutiements, qu'interprètes et compositeur cherche la voie pour transmettre l'émotion efficacement. Lors de la 9e édition de leur Composer's Kitchen, le Quatuor Bozzini invitait hier les curieux à entrer dans l'antre de la création, à humer ce qui bouillonnait dans le chaudron, en proposant quatre pièces de jeunes compositeurs (deux du Canada, deux du Royaume-Uni) qui, toute la semaine, avaient travaillé en collaboration avec les musiciens, sous la houlette de leurs parrains compositeurs, Michael Oesterle et Laurence Crane.

Amber Priestley a proposé avec And Yest Something Shines, Something Sings in That Silence une page ludique, les membres du quatuor retournant leur partition après chaque bref mouvement, piochant dans les motifs proposés, assemblant le tout au fur et à mesure. Même si nous avions affaire ici à une narration ne relevant aucunement de la linéarité, le pièce dégageait néanmoins une impression de cohérence, les intentions se trouvant cernées en quelques gestes, souvent habiles.

Neue Kraft Fühlend de Sean Clancy se voulait le négatif du mouvement central du Quatuor opus 132 de Beethoven (de la partition duquel est tirée la citation du titre), les sections plus intenses se trouvant allégées, les passages effervescents devenant concentrés, comme si la structure même du mouvement de Beethoven se trouvait évidée et que Clancy y réarrangeait le matériau, y intégrant bien évidemment de larges pans de son univers. Sans pouvoir obtenir une image claire de la « photographie » d'origine à l'écoute, on peut néanmoins reconnaître le côté obstiné du Beethoven tardif et cette maîtrise imparable avec laquelle il peut échafauder un édifice cohérent à partir d'une simple cellule mélodique ou rythmique. Le tout s'est terminé dans la fatalité la plus pure, les pizzicatos des violons et de l'alto, presque féroces, s'opposant au chant du violoncelle. Une œuvre que je prendrai plaisir à réentendre, qui m'a paru particulièrement achevée.

Les deux compositeurs canadiens ont proposé quant à eux des esquisses, des explorations. Marielle Groven, qu'on avait pu découvrir avec l'ECM+ il y a quelques mois lors du concert Génération 2012, semble continuer son exploration organique, décomposant les sons de la nature, du chant d'oiseau au craquement des branches sans oublier le souffle du vent pour les transmettre en musique. On reconnaissait ici et là des battements d'ailes, des superpositions de sonorités qui semblaient se déformer (un peu comme l'effet Doppler) et le tout m'a semblé un intéressant prolongement (même si la matière était traitée différemment) de la pièce Warblework de Cassandra Miller, présentée il y a deux semaines par le Quatuor Bozzini, qui explorait les différentes possibilités offertes par le chant des grives.

Simon Martin a expliqué en être encore à la phase exploratoire dans son traitement des textures du quatuor à cordes, dont il cherche à maximiser les pouvoirs expressifs, vocaux aussi bien qu'à détourner les fonctions premières des instruments. Ainsi, les archets glissaient sur le corps ou les chevilles des instruments, les musiciens intégraient de menus objets métalliques aux cordes pour obtenir un timbre qui rappelait par moments la guitare électrique par instants et la pression excessive des archets sur les cordes semblaient dématérialiser le son, rendant l'expérience très proche de l'acousmatique. Il faudrait sans doute ramasser tout cela, mais déjà, j'ai aimé ce passage de l'inaudible à l'audible et cette ellipse qui permettait de revenir au point de départ (juste avant les sections avec objets ajoutés et le traitement forcé des sonorités).

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