mercredi 10 avril 2013

Quartett: noir sur blanc

Les liaisons dangereuses ont, au fil des ans, suscité plusieurs adaptations, tant romanesques que cinématographiques, mais Quartett, la relecture d’Heiner Müller, demeure peut-être celle qui a su le mieux aller au cœur même du roman épistolaire de Laclos. Même si l’auteur allemand a admis n’avoir jamais lu entièrement l’ouvrage et qu’il l’a plutôt apprivoisé à coups de méditations sur le sujet, il a su en extraire l’essence même : les jeux de masques, l’amour qui devient champ de bataille, l’implacabilité du passage du temps, indissociable de l’inéluctabilité de la mort.

Florent Siaud offre ici une mise en scène qui pousse plus loin cette réflexion, en noir et blanc, deux pôles à peine réchauffés par le rouge rubis du vin dans les verres, les dorures sur un plastron sinon translucide et le bois pâle du lit effondré, qui m’a tout de suite rappelé le bateau d’un autre couple maudit, Tristan et Isolde. (Müller détourne d’ailleurs à son profit une phrase de l’opéra de Wagner sur ce sujet, « La mer s’étend, déserte et vide »; le parallèle ne s’avère sans doute en rien fortuit.) Si la Marquise de Merteuil est habillée de blanc et Valmont de noir, rien n’est aussi simple.  En confiant le rôle des amants maudits à deux femmes, le metteur en scène rend d’emblée encore plus floue la ligne entre masculin et féminin. L’identité sexuelle ne relève-t-elle pas de toute façon du masque? « Je crois que je pourrais m’habituer à être une femme, Marquise », affirme d’ailleurs Valmont en nous offrant la clé de la pièce. « Je voudrais le pouvoir », répond l’autre. Une pause. « Alors quoi? Continuons à jouer. »

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