jeudi 17 octobre 2013

Concerto au sol: poétique et ludique

Athlète, analyste, poète, artisan, traducteur, devin: le musicien est bien plus qu'un tâcheron au service d'un compositeur tout-puissant. Et s'il devenait danseur (certains interprètes l'ont déjà trop bien compris et abusent de la gestuelle), mieux, que ses doigts se métamorphosaient en marionnettes, grâce à la chimie des maquillages? Voilà le parti adopté par le compositeur et artiste multidisciplinaire Félix Boisvert dans le très beau spectacle Concerto au sol, présenté ces jours-ci aux Écuries.

Ici, les mains de Boisvert et d'une quinzaine d'autres musiciens (par la magie des projections) deviennent personnages, muets mais éloquents, au service de la musique et de la poésie. Que l'on ait 7 ou 77 ans, soit professeur ou élève, professionnel ou simple mélomane, importe peu ici; chacun saura trouver une façon de s'approprier cette odyssée au cœur du son et de l'imaginaire, en tirer une lecture personnelle. Selon les tableaux, les phrases, on peut réagir aux sonorités ou à l'image, accepter d'être bouleversé ou rire à gorge déployée.

Rarement une proposition dite « pédagogique » m'aura paru aussi accomplie. Formé au Conservatoire de musique de Montréal, Félix Boisvert ratisse large et propose un voyage à travers les époques aussi bien que les continents et les genres, nous faisant passer, sans que cela ne semble jamais plaqué, de l'introduction du Concerto pour violoncelle de Dvorák en début de spectacle à un langage résolument contemporain, avec détours par un impressionnisme à la Debussy, le jazz, les musiques du monde, l'électroacoustique, le bruitisme. Peu importe les harmonies dans lesquelles elle se drape, la musique parle toujours au côté émotif du spectateur.

Celui-ci entendra les instruments de l'orchestre, le piano, les percussions, d'autres aux sonorités plus typées (dans un segment au distinct parfum hawaïen par exemple), d'autres traités électroniquement. Il découvrira les gammes pentatonique et chromatique. Il fera l'expérience de l'écoute stéréophonique, mais également quadriphonique. Il apprivoisera même un certain silence. Il cédera surtout sans retenue à cette magie des mains qui se démultiplient, planent, cherchent à reproduire le geste musical d'une autre (segment extraordinaire), s'inscrivent en contrepoint musical les unes des autres. Fasciné par le processus, il n'oubliera jamais entièrement que tout cela est produit par des humains (belle idée de Boisvert de réapparaître périodiquement, de rappeler aux plus jeunes sa présence), la technologie ici ne servant qu'à appuyer le propos, jamais à le dénaturer.

Ce spectacle doit être vu (vous avez jusqu'au 26 octobre pour le découvrir), tourner (dans le réseau des Maisons de la culture par exemple), voyager ailleurs dans le monde. Rarement des mains de musicien auront été si éloquentes.


2 commentaires:

Gabrielle Roberge a dit…

Wow ! Ça semble vraiment génial ! Merci pour la découverte !

Lucie a dit…

J'ai vraiment adoré! J'espère que le spectacle se promènera en région, car il le mérite!