mardi 25 mars 2014

Première nuit - Une anthologie du désir

« La première nuit est une absence. C’est après, par bribes, par éclats, qu’on réinvente les heures inouïes. » (Alfred Alexandre)

Peut-on parler de désir sans tomber dans la littérature de bas étage? Assurément, comme en témoigne Première nuit - Une anthologie du désir. Après avoir accepté l'invitation de la romancière camerounaise Léonora Miano, prix Femina 2013 pour La saison de l'ombre, dix écrivains subsahariens, caribéens et afropéens ont accepté de raconter une première nuit d'amour, sujet d'une rare intimité, très peu traité dans la littérature noire. « Cette absence indique à n'en pas douter un rapport complexe à soi, une difficulté à se mettre entièrement au centre de sa propre parole », avance d'ailleurs Miano dans sa préface.

On retrouve donc ici des textes d'Alfred Alexandre, Edem Awumey, Julien Delmaire, Frankito, Julien Mabiala Bissila, Jean-Marc Rosier, Insa Sané, Felwine Sarr, Sunjata et Georges Yémy, ainsi qu'en complément une nouvelle de Miano elle-même, mise au défi par l'un des auteurs de se prêter au jeu, écho féminin qui résonne autrement, placé en fin de volume. Oui, il sera question ici de plaisir, de sexualité, mais souvent de façon détournée. Le désir n'est-il pas, « la moitié de la vie » (Khalil Gibran) ou « le feu que nous apportons en naissant » (Arthur Schendel)? Ces instants fébriles avant l'union des corps restent souvent bien plus longtemps en mémoire que ceux qui la suivent et ces auteurs tirent partie de cette tension inhérente au désir, n'hésitant pas dans certains cas à conjurer l'au-delà, comme dans Le confessional de Julien Mabiala Bassila, à la chute lapidaire, ou La petite fille de mon désert de Georges Yémy, d'une troublante poésie. « Ceux qui partent pleurent ceux qui restent; ceux qui meurent sont aussi en deuil de ceux qu’ils laissent. Partir, c’est laisser derrière soir les vivants. »

On découvre surtout dix plumes trempées, dix façons complémentaires de dire les choses, du plus sublimé (Dans son jilbab de soleil, mon amour de Jean-Marc Rosier) au plus cru (Un papillon de Julien Delmaire), dix voix que l'on aura plaisir à retrouver autrement. (Les notices biographiques fournies en annexe faciliteront assurément la chose.) 

Un livre à garder sur la table de chevet ou à offrir en cadeau.



Cette lecture conclut, presque un mois plus tard, le challenge Mois de l'histoire des Noirs. Merci à Marion et Topinambulle d'y avoir participé.

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