dimanche 18 mai 2014

Chez la reine

« N’avais-je pas mythifié et magnifié une enfance identique à des milliers d’autres et soumise aux mêmes contingences? Peut-être. Mais le bonheur que j’avais ressenti dans ma jeunesse et l’amour que j’avais eu et que j’aurais toujours pour mon grand-père et les miens demeuraient l’objet principal de chaque tableau, conservé, peaufiné ou mis à l’écart, et donnaient à eux seuls sa valeur à la fresque. »

Voilà en quels termes Alexandre Mc Cabe clarifie sa démarche d’écriture en page 121. Cet amour qu’il porte aux siens est de fait l’épine dorsale de ce premier livre, entre récit et autofiction, volonté d’extraire du passé les gestes qui permettront de mieux apprivoiser l’avenir. Car il ne faut pas se le cacher : sous ses dehors tendres, ces images filtrées avec grande douceur, l’auteur signe ici un livre politique, un acte de résistance.

Oscillant entre une langue recherchée (mais jamais ampoulée) et une langue parlée, à décrypter à l’oreille – on se surprendra à lire à voix haute certains des dialogues pour profiter de leur résonnance –, ce texte fort peut se lire comme un manifeste. Une exhortation d’abord à se souvenir : de ceux qui nous ont façonnés, sur lesquels nous nous sommes appuyés pour grandir, mais aussi des gestes politiques qu’ils ont posés, des doutes qui les ont animés, des convictions qui les ont portés et que le Québec d’aujourd’hui, plus morose que vibrant, a choisi de balayer du revers de la main. Façon autre de prendre la parole – à défaut de prendre la rue –, Chez la reine devient porte-étendard d’une génération de trentenaires engagés (tout comme la BD théâtrale Le nombril du monstre de Félix Beaulieu-Duchesneau, qui faisait partie de la plus récente édition du Festival du Jamais lu, qui aborde un thème semblable), qui ne tournent pas le dos aux valeurs passées (plusieurs privilégieront d’ailleurs la famille, signe indéniable qu’ils envisagent un futur moins désemparant), mais souhaitent les décliner autrement, en posant des gestes concrets, qui finiront peut-être par orienter autrement ce peuple qui se cherche toujours. « Alors on finit par se taire, mais on n’a pas encore commencé  parler. […] Mais nos silences sont des clous de plus dans le cercueil du pays. »

2 commentaires:

Gabrielle a dit…

Ce livre est le prochain sur ma liste ! Je sens que je l'adorerai ! Merci

Lucie a dit…

J'ai hâte de lire tes impressions!