lundi 18 août 2014

Saccades

Onze nouvelles, onze destins. Autant de personnages que l’on croise au moment où tout bascule, à cette seconde précise où on pourra ensuite dire qu’il y a eu un « avant » et un « après ». Que celui-ci donne les résultats escomptés importe peu au fond. Il faut savoir saisir l’instant de déséquilibre pour ce qu’il est, un synonyme de mouvement, qui peut mener aussi bien à l’effondrement qu’à une libération.

D’entrée de jeu, la table est mise. Avec « Le sacrifice », on passe en quelques lignes de l’autre côté du décor, dans la tête d’un cuisinier excentrique qui cherche « la » recette, « le » concept qui lui permettra de clouer le bec à tous ceux qui auraient pu douter de lui. La chute s’avérera fatale. Difficile ensuite de ne pas se crisper en lisant « Le cinquième commandement », une micronouvelle d’une rare puissance qui réussit à jeter un regard différent sur un sujet que l’on croyait épuisé. Après ces coups de massue, « Ménage à trois » fera presque sourire, parce que l’on comprend dès le départ que la situation condamnée d’avance.

L’enfance est au cœur de nombreuses nouvelles de Saccades : « Le cinquième commandement », « Luc-sur-mer » (dans laquelle l’eau n’apporte aucun réconfort), « Vertige » (sise dans une église), « Chez les loups » (cruelle relecture du Petit chaperon rouge), « Salut, La Saline » (peut-être la plus délicate du lot). Pourtant, chez Maude Poissant, il n’est jamais question d’une enfance aux couleurs pastelles. L’ombre reste indissociable la lumière, l’innocence condamnée dès le début sans doute à être perdue. On grandit par à-coups, on comprend par soubresauts, qu’on l’accepte ou non.


Même si les onze personnages ne se seraient vraisemblablement jamais croisés dans un monde « réel », il faut admettre que l’auteure a réussi à unifier de façon presque souterraine ce recueil. On reconnaît déjà un ton, une marque de fabrique, mais surtout un souffle, que les phrases se résument à quelques mots ou deviennent paragraphe entier. Une voix qui continue de hanter l’imaginaire, plusieurs semaines après que le livre aura été refermé.  

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