dimanche 19 avril 2015

Car la nuit est longue

Kaï a été violée. Des inconnus, une camionnette, une ville tout à coup inhospitalière. Pourra-t-elle un jour aller au-delà de la douleur, de l’horreur? Fera-t-elle de nouveau confiance à Christophe, l’homme de sa vie, celui qu’elle aime pourtant profondément, le père de son enfant?
Cette histoire aurait pu être racontée du point de vue de la victime, mais Sophie Bérubé adopte une tout autre voie, une autre voix, celle de l’exclu, de celui qui a perdu sa complice, qui ne sait comment l’aider sans la brusquer, qui réalise que plus jamais les choses ne seront pareilles. Au début, face à cet acte de violence immonde, il n’ose pas lui parler, la toucher. Il espère peut-être qu’à travers la musique, sa pianiste trouvera un certain apaisement. Et puis, il comprend comment ils pourront survivre à cette trop longue nuit, comment il l’amènera ailleurs. Il se transforme en improbable Shéhérazade, raconte leur première rencontre, l’arrachement, les retrouvailles, réinvente leur passé amoureux. « Il y a des possibilités infinies d’assembler les mots les uns aux autres pour créer des récits. Pourquoi s’en tenir à ceux qui nous arrachent l’épiderme et nous laissent plus nus que nus. »
L’écriture de Sophie Bérubé coule de source et l’auteure démontre d’immenses talents de conteuse. Le viol n’est jamais abordé ici de front, il s’inscrit tout au plus en filigrane de façon subtile, contrepoint délicat à cette histoire d’amour unique, qui continue d’habiter des semaines après sa lecture.

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