dimanche 13 mars 2011

Toxique

Une ville canadienne qui pourrait être Vancouver, Toronto, Montréal. Un matin tranquille. Hélène retrouve sa banlieue, ses tartelettes chinoises sous le bras, une non pas parmi une foule, mais quelques rares passagers. Un soubresaut de l'autobus, un étranger à la peau sombre rattrape sa boîte de pâtisseries, puis sa vie bascule vers l'horreur. Quelque chose - une substance chimique inconnue? - atteint son visage. Le chauffeur s'écroule, la femme perd ses repères. Aurait-elle été victime d'un acte terroriste? Nous ne sommes pas dans un film d'action, mais bien dans Toxique, la pièce de Greg MacArthur, présentée jusqu'au 26 mars au Théâtre d'Aujourd'hui. Mais que s'est-il réellement passé? La femme aurait-elle imaginé, déformé ce qui s'était passé?

L'auteur s'est inspiré d'un cas non élucidé datant de 2004, que la psychose post 9-11 avait enflé de façon démesurée. « Je crois que les racines de la peur, de la paranoïa et de la terreur ne résident pas dans un ailleurs lointain. Elles ne viennent pas de l'étranger. Je crois qu'elles se retrouvent plus près de chez nous, de nos foyers », explique lui-même MacArthur. Il ne propose donc pas tant un jeu de piste pour retrouver le coupable de l'« attentat », mais nous fait plutôt plonger dans le quotidien de cette femme (troublante de névrose Elise Guilbault) qui ne connaîtra plus jamais le repos. Elle s'acharne, elle veut justifier la peur. Elle consulte, essaie de multiples thérapies alternatives, veut qu'on puisse nommer sa douleur, cherche à retrouver sa vie d'avant, quand tout était si simple et que la vie se résumait en une succession d'heures passées à travailler, de repas préparés pour son mari (Guy Nadon, à la fois fragile et presque fiévreux d'intensité), des inquiétudes ressenties quand elle pense à sa fille qui fait du travail de terrain en Algérie, à son fils végétatif qui complète ses études universitaires. Ce faisant, elle empoisonne subrepticement tous ceux qu'elle chérissait et finit par se perdre dans un ailleurs mental bien plus terrifiant que la réalité.

Le texte de MacArthur est habile, haletant, admirablement rendu dans son fractionnement par la traductrice Maryse Warda qui s'est concentrée sur le rythme avant même de souhaiter transmettre le propos. Plus la pièce avance et plus, comme Hélène, nous éprouvons de la difficulté à respirer, oppressés par la psychose, troublés par le vide rassurant auquel tous cherchent à se rattacher. Une voix d'auteur différente, dont je suivrai le parcours avec intérêt.

Aucun commentaire: