samedi 28 juillet 2012

Gerhard Richter: Painting

L'artiste allemand, au centre d'une très réussie rétrospective au Centre Pompidou à Paris, a célébré son 80e anniversaire en février. Il a également su inspirer la réalisatrice allemande Corinna Belz, qui signe un documentaire entre abstraction et narration fragmentée, qui vient de prendre l'affiche à Montréal au Cinéma du Parc (et à Paris, en marge de l'expo).

Pendant six mois, Belz s'est fondu dans l'ombre de Richter, témoin plutôt qu’interlocuteur, ce qui permet de tracer un portrait d'abord en gestes du peintre, qui se décline au présent continu. (En ce sens, le titre fait  référence à l'action et non à l'objet.) Quelques entrevues d'archives ponctuent ici et là le propos, certaines phrases elliptiques de l'artiste (sur son départ de la RDA, sur le regard des autres, sur son enfance) servent de respirations, de points de suspension, mais les moments les plus troublants du film (qui continuent de hanter bien après) restent ceux pendant lesquels on assiste à la naissance d'une œuvre, Richter travaillant à gestes mesurés, superposant des couleurs vives avant d'en extraire avec l'un de ses racloirs la densité, les textures, le sous-texte.

Nous assistons, fascinés, à ce dialogue avec la toile, la couleur, le propos. Jusqu'où devra-t-il aller avant que l'œuvre puisse poursuivre son existence de façon indépendante, transmettre une certaine finitude? En le suivant, on sent de façon presque viscérale sa crainte de dépasser ce fameux stade, ballet/bataille avec la matière, les choix qui deviennent de plus en plus restreints au fur et à mesure du processus, les questionnements qui semblent l'agiter, même après toutes ces années de travail. À un moment, il confie que la présence de la caméra le pousse à bouger différemment, le brime, qu'elle teinte son propre regard sur la toile en mouvance, qu'il a perdu certains de ses repères, mais il accepte la nouvelle donne. Son langage ne se veut-il pas au fond l'atteinte d'un délicat équilibre entre maîtrise et abandon, l'important n'étant pas tant la finalité que la série de gestes qui y ont mené?


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