mercredi 6 février 2013

158 fragments d’un Francis Bacon explosé

Je ne crois pas aux hasards, mais plutôt aux rencontres, avec un auteur, un peintre, un univers. Depuis quelques mois, j'ai été habitée, plus ou moins directement, par celui de Francis Bacon. Des amis ayant vu ses toiles au Tate de Londres cet été m'ont fait replonger dans ces tableaux parfois affolants, qui crachent un message à l’œil, tout en chuchotant autre chose à l'âme. Impossible de sortir indemne de cette confrontation, de la refuser également.

En octobre, je lisais le très beau Combustio, dans lequel le peintre agit comme détonateur d'une fresque d'une grande habileté. En novembre, je découvrais l'univers de Mathieu Laca, qui lui voue une révérence évidente, qu'il se serve de certains coups de pinceaux de Bacon comme inspiration ou qu'il le mette carrément en scène. Au début janvier, je sentais qu'il était nécessaire de voir Spasmes, « déambulatoire » consacré à l'artiste. Je savais qu'en prolongement, j'aurais besoin de me frotter au recueil de Larry Tremblay, feuilleté à plusieurs reprises, mais pas encore alors entièrement accepté.

Le peintre fascine l'homme de théâtre et poète, sans doute depuis des années. Comment ne pas reconnaître en effet dans les toiles la théâtralité des corps, la dissection de l'âme, un certain côté métaphysique?

« Où un mot / comme celui de beau / et ce qu’il tient serré entre ses lettres / inscrit-il / son petit trou de clarté / dans le champ tourmenté? »
On retrouve l'essence du travail du peintre, fracturé, éclaté, en 158 fragments qui se fichent dans le subconscient du lecteur, le questionnent, le tourmentent parfois. En devenant mots - cris -, les couleurs vives de Bacon, les éclaboussures, les torsions, prennent un autre sens.
« S’approcher trop près du blanc / se faire attraper par son hélice / ressortir éclaboussures de l’autre côté / ego arraché »
Le recueil se découvre par strates, au fil de lectures successives, qui se superposent comme autant de coups de pinceaux, qui deviennent échos, appels, rappels de la brutalité de la vie, de sa finalité inévitable.
« Le théâtre du corps / c’est l’enfer de l’âme / les blessures affleurent / en autant d’appels d’être »
ou encore
« Ne pas dire j’aime / devant la beauté / quand c’est un fracas / [je n’aime pas / dire j’aime / devant la mort / quand c’est un frisson] »




2 commentaires:

Danalyia a dit…

L'oeuvre de ce peintre me bouleverse. Je serais bien incapable d'expliquer pourquoi ; mais chaque fois que je me trouve devant un de ses tableaux, j'éprouve une profonde émotion, parfois jusqu'aux larmes...

Lucie a dit…

Il y a effectivement quelque chose de profondément viscéral chez Bacon, qui nous fauche sans qu'on comprenne exactement comment ou pourquoi.