mercredi 18 septembre 2013

Pas peur du noir

Perdre un enfant : certainement la douleur la plus poignante imaginable. Est-il plus facile de se détacher de cet être sur lequel tant d’espoirs étaient fondés s’il nous quitte dans les dernières semaines de grossesse? Comment un parent peut-il survivre à ce vol sournois de souvenirs tangibles, à cette succession de gestes infimes qui finissent par définir les liens que nous entretenons? « … je vois des femmes enceintes qui auront droit à ce bonheur avant moi, qui ont commencé à écrire l’histoire de leur famille. J’ai perdu ma place dans l’ordre des choses. J’ai l’impression d’avoir manqué ma sortie sur l’autoroute. »

Souhaitant transcender la douleur ressentie lors du décès d’un premier enfant, Marilou Bourassa s’est jetée dans l’écriture de fiction, pour nommer la tristesse, mais aussi faire la lumière sur un sujet encore tabou, l’interruption médicale de grossesse. « N’espérez pas amener de tels sujets sur la place publique, Chloé. La mort révolte. Vous effrayeriez bien trop de parents pour le que peu que vous éduqueriez », fait d’ailleurs dire l’auteure à Nistor, qui a perdu un fils dans un accident, mais ne s’en est toujours pas remis.

Chloé tente de comprendre, de se reconstruire, à coups de rencontres, aussi bien avec des spécialistes que des étrangers : un itinérant, Nistor le pêcheur, un locateur de chiens. Ces deux derniers personnages ainsi que la petite nièce de Chloé se révèlent d’ailleurs particulièrement attachants. La mère éplorée doit aussi redéfinir le lien qui l’unit au père de ce bébé trop tôt disparu. Le texte, fluide, s’articule essentiellement autour de dialogues, le rapprochant de la maïeutique socratique (l’« art d’accoucher les esprits » après tout). Malheureusement, le fait que chaque chapitre aborde un thème en particulier alourdit la lecture et transforme le livre en ouvrage presque spécialisé par moments (la rencontre avec le médecin) et à d’autres en traité de spiritualité (celle avec le célébrant). Pourtant, l’auteure sait maintenir son lecteur en haleine, comme elle le démontre aisément dans le prologue, dans lequel elle raconte son histoire, segment qui m’a entièrement happée.

Malgré ces réserves, on ne peut que saluer le fait qu’un tel ouvrage existe maintenant. Combien de parents, d’amis touchés par cette situation difficile, auraient souhaité pouvoir se plonger dans de telles pages quand ils ont dû faire face à cette terrible situation?


                                                                                                                


3 commentaires:

Anne a dit…

Pas facile d'écrire sur un sujet aussi difficile !

Karine:) a dit…

Le sujet semble vraiment dur, et le fait que ça devient plus autre chose qu'un roman va me faire reculer, je pense...

Lucie a dit…

Anne: En effet! C'est quand même incroyable que l'auteure ait pu le faire.

Karine: Ce n'est vraiment pas pour tout le monde, c'est clair...