lundi 10 novembre 2014

Un Barbier décoiffant

Bien sûr, Le barbier de Séville de Rossini reste l'un des opéras les plus aimés du répertoire: airs accrocheurs, trame narrative toute en légèreté (ici, les intrigues règnent en maître et tout est bien qui finit bien) et personnage principal des plus attachants. Après avoir renversé dans le rôle du condamné dans Dead Man Walking au printemps 2013, Étienne Dupuis incarne un Figaro fantasque à souhait, charmeur et charmant, bien décidé à ne pas se laisser damner le pion. Le metteur en scène Oriol Tomas joue fort d'ailleurs habilement la carte de la proximité avec le public, le baryton poussant ses premières notes de la salle, sollicitant même des applaudissements quand il met les pieds sur la scène.

Si un bon Barbier exige une personnalité forte pour incarner Figaro, il doit aussi pouvoir compter sur une distribution d'une belle polyvalence, aussi à l'aise dans le travail de filigrane (les traits de doubles-croches pouvant se révéler difficiles à transmettre avec toute la légèreté souhaité) que dans une certaine physicalité du jeu. Le ténor roumain Bogdan Mihai se révèle irrésistible en Almaviva. Il démontre à la fois sa maîtrise vocale (avec ses aigus jamais métalliques et une facilité déconcertante dans l'ornementation) et ses indéniables dons d'acteur, particulièrement quand il se déguise en professeur de musique et nous fait un numéro de « air clavecin » des plus mémorables. Carlo Lepore en Bartolo et Paolo Pecchioli font eux aussi des débuts montréalais convaincants. La mezzo-soprano espagnole Carol Garcia campe une Rosina éloquente sur le plan vocal, mais se révèle un peu plus statique que ses comparses sur scène. 

Effervescente, la mise en scène d'Oriol Thomas multiplie les clins d’œil. Têtes à coiffer dotées d'une moustache de Movember (l'Opéra de Montréal s'étant associé au mouvement), salaire que l'on reçoit comme une hostie, assistantes de Figaro qui dansent aussi bien le cancan que le gogo, parapluies qui deviennent accessoires inusitées, air de la calomnie traité comme un véritable « show de boucane », public captif qui s'endort quand il doit écouter de l'opéra (impossible pour ceux dans la salle de ronfler une seule seconde pendant la soirée), fausses chorégraphies de flamenco, tout est calculé au quart de tour. Des costumes bien pensés de Robert Prévost revus par Joyce Gauthier  (qui font tous référence sauf celui de Rosina à la traditionnelle enseigne du barbier) et une scénographie astucieuse (la maison se dépliant ou se refermant au fil des scènes, grâce aux « assistantes » du Barbier), elle aussi de Robert Prévost (revue par Guy Neveu) complètent ce tableau réjouissant.

Il reste encore quelques places pour les représentations des 11, 13, 15 et de la supplémentaire du 17. 

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