lundi 7 juillet 2014

Quatre jours sur la corde raide

Me revoici, après quatre jours fébriles, intenses, fertiles, remplis de découvertes, de rencontres, d'échanges, presque troublée de ne pas être en train de parler d'une discipline que je connaissais au fond bien peu il y a quelques jours à peine.

Mettez dans une même pièce dix journalistes aux forces et parcours complémentaires (danse, théâtre, arts visuels, cirque, science): quatre qui habitent à Montréal, quatre qui viennent des États-Unis, une de l'Ontario, un de Vancouver. Sous la férule d'un animateur de haut niveau, Yohann Floch, spécialiste en cirque, mais souhaitant avant tout décloisonner le langage, proposez-leur des visites (École nationale de cirque, TOHU, Cirque du Soleil), des présentations ciblées (sur l'histoire du cirque, sur les défis de programmer le festival Complètement Cirque, sur l'évolution de la forme artistique au Québec), des rencontres post-spectacle avec les artistes, des espaces de discussion.
Fête d'ouverture
Photo: Lucie Renaud
Surtout, plongez-les dans le bain: sept spectacles en quatre jours, aux esthétiques foncièrement différentes, du cirque traditionnel pour toute la famille à un cabaret électro trad, dans autant de lieux différents. Aucune préparation acceptée, une interdiction formelle de consulter les dossiers de presse. Ressentez d'abord, analysez ensuite. Acceptez de jouer le lendemain à un petit jeu et de trouver « le » mot (oui, un seul!) qui représente le mieux pour vous ce que vous avez vécu.

Une impression de vous produire sur un fil de fer sans filet? Oui, assurément. Une peur de tomber? Curieusement, non, car si le monde du cirque est synonyme d'un seul mot, c'est bien celui de « communauté ». Tous les artistes performent à un niveau inouï, ont passé des heures à s'entraîner, à reproduire les mêmes gestes, à s'approprier les codes, avant de pouvoir se définir un langage personnel. Contrairement aux pianistes, ils l'ont fait sous le regard des autres, ayant besoin que quelqu'un les hisse sur un trapèze, s'assure de leur sécurité (l'élément de danger reste omniprésent). Oui, sans doute, les égos entrent en ligne de compte (on n'arrive pas à la maîtrise d'un art autrement), mais le cirque se pratique dans la complémentarité, chacun cherchant à trouver sa niche, sa façon de connecter avec le public.


Photo: Lucie Renaud
Photo: Lucie Renaud
Photos prises lors de la journée pour la famille, samedi
Photo: Lucie Renaud
Alors, où devez-vous vous glisser en salle? Il ne vous reste qu'un soir pour voir Acrobates, un troublant duo qui rend un hommage vibrant à un voltigeur victime d'une chute qui le rendra paraplégique, à travers des vidéos intelligemment intégrées, une scénographie redoutable d'efficacité (un plan incliné à 43 degrés qui rend la moindre escalade extrêmement difficile).

Dans un registre totalement opposé, vous avez jusqu'au 12 juillet pour voir Barbu, la foire électro trad, qui floue habilement les frontières entre cabaret allemand, foire du début du 20e siècle (dans laquelle aurait bien pu évoluer notre Louis Cyr national) et spectacle d'humour (sans paroles ou presque, pourtant). Ici, on revisite l'imaginaire québécois, on le dépoussière, on le décape et on le transforme, que ce soit à travers l'assemblage des numéros ou par la transformation fort habile de chansons traditionnelles québécoises (chapeau à André Gagné et David Simard pour leur appropriation du matériel). Cela ne plaira pas à tous (les opinions étaient très tranchées au lendemain de la représentation), mais la démarche est plus qu'intéressante.

Ceux qui veulent faire plaisir aux tout-petits se glisseront sous le chapiteau installé sur les terrains de la TOHU pour voir une représentation du Midnight Circus (jusqu'au 13 juillet), une compagnie familiale qui présente un cirque à l'ancienne (avec un seul animal, le chien familial), dans un lieu intime, qui favorise la proximité et les yeux ébahis des petits.
Midnight Circus
Photo: Lucie Renaud
Photo: Lucie Renaud


Photo: Lucie Renaud
À quelques pas de là, les Sept doigts de la main présentent (jusqu'à la fin du festival également) Intersections, un spectacle poétique, volontiers narratif, dans lequel huit personnages (établis à partir des vécus et des imaginaires des artistes) se rencontrent. En première partie, le public est invité à participer à un déambulatoire bien particulier, suscitant une réflexion sur la proximité, mais aussi une curiosité envers l'autre, que l'on croise d'une station à l'autre, dont on ne sait rien, mais qui tout à coup nous paraît digne d'intérêt.
Intersection des Sept doigts de la main
Photo: Lucie Renaud


Photo: Lucie Renaud
Je m'en voudrais de ne pas évoquer Reset de la compagnie montréalaise Throw2Catch, qui fait une utilisation très habile de la technologie (prise de photos dans le public avant le spectacle, un gagnant devenant VIP d'un jour et pouvant voir un segment du spectacle assis sur scène, encouragement à Twitter en direct, participation de la foule lors d'un vote qui influera le déroulement du spectacle), mais n'en est pas esclave. Aucune déshumanisation possible ici. Les liens entre les complices sont réels, comme ceux qu'ils entretiennent avec le public, absolument fasciné par ce qu'on lui présente - et ce, même si dans notre cas, nous sortions d'une représentation de Curios du Cirque du Soleil, magistrale.

Le festival se poursuit cette semaine. Je prends une journée pour retrouver mon souffle et je replonge demain. Je pensais revenir en blond surfeur dans ma prochaine vie (théorique). J'ai changé d'idée: je me joindrai au cirque!


Minutes complètement cirque hier soir
Photo: Lucie Renaud
Photo: Lucie Renaud

(Toutes les photos ont été prises avec mon cellulaire.)

1 commentaire:

Marion a dit…

Je suis jalouse ! :)