jeudi 12 février 2015

Musicophilia: se laisser porter par la musique

« Musik ist meine Zuhause. » La musique est mon chez-moi. Voilà ce que je me suis dit en sortant de la proposition pour le moins étonnante du Meta Theater de Munich, présentée uniquement hier et ce soir au Prospero. En effet, au-delà de la juxtaposition de neuf études de cas tirées du classique Musicophilia d'Oliver Sacks, ce qui me restera de ce spectacle restera essentiellement la musique de Steffen Wick et le design sonore de Simon Detel (qui d'entrée de jeu, avant même que le spectacle ne commence réellement, réussit à nous transmettre le sentiment d'oppression et d'impuissance que les victimes d'acouphène ou d'amusie peuvent ressentir).

Certes, la scénographie d'Axel Tangerding (avec lequel je me suis entretenu il y a quelques mois pour un article intégré au numéro courant de JEU) avec ses tubes plus ou moins translucides selon les éclairages s'avère un élément visuel fort, isolant les cas comme les interprètes (la violoniste Gertrud Schilde, le violoncelliste Mathias Beyer-Karlshøj, la mezzo-soprano Cornelia Melián et le comédien Peter Pruchniewitz, qui s'adresse au public en allemand et en anglais), mais servant aussi d'élément rassembleur. 


Les études de cas elles-mêmes se révèlent souvent captivantes, permettant par exemple des rapprochements entre acouphènes et vers d'oreille (des hallucinations auditives dans les deux cas), de faire l'expérience de la synesthésie (goûts ou couleurs associés à la musique) grâce aux projections de Stefano Di Buduo ou de mieux comprendre l'amusie (phénomène notamment étudié à Montréal par la spécialiste Isabelle Peretz). 


Pour moi, cependant, les moments les plus forts restent indéniablement les moments où la musique devient le personnage principal, nous rappelle son pouvoir indéniable. Que l'on comprenne ou non les mécanismes entourant son apprivoisement importe peu ici. Admirablement transmise par les musiciens et la chanteuse, elle nous porte, nous transporte, permet au temps de suspendre son vol, nous rappelle le rôle essentiel qu'elle joue dans nombre de quotidiens.


« Musik ist meine Zuhause. » Étrange quand même que ce soit une proposition scénique et non un concert qui m'ait permis de revenir à ma langue maternelle. Synesthésie d'un autre type, peut-être...


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